Les archaïques des Banques Centrales I
Patrick ARTUS, qui n’a rien d’un fantaisiste ni d’un alter mondialiste illuminé, a rédigé un petit bréviaire d’économie (« les incendiaires. Les banques centrales dépassées par la globalisation », édition Perrin août 2007, 175 pages, 14,80 €), à l’usage des personnes qui constatent la faillite des experts sans avoir les armes pour les dénoncer.
S’ils ne le savent pas encore, ils sont beaucoup plus nombreux qu’ils ne le pensent eux-mêmes. 2 enquêtes réalisées en décembre 2006 montrent que 54 % des Allemands croient qu’il faudrait revenir au mark, et que pour 52 % des Français l’euro est une mauvaise chose.
Si les années passent et si les crises surviennent, les mêmes experts demeurent avec leur dogme. Prenons l’exemple américain.
Aux débuts des années 2000, l’éclatement de la bulle Internet a constitué un véritable krach boursier, puisque la valeur des actions baisse de 50 %.
Durant l’été 2006, c’est à nouveau un effondrement de l’activité dans le secteur immobilier et une crise financière qui se propage.
A chaque fois, les enchaînements sont quasiment les mêmes.
La FED laisse filer parce que l’inflation oscille entre 2 et 3 %. Mais en 88-89, elle s’inquiète d’une inflation à 5 % et réagit aussitôt en montant les taux d’intérêt. Ce faisant, elle déclenche la crise, parce que les emprunteurs ne peuvent plus payer : de 91 à 93, 10 % des emprunteurs font défaut sur leurs crédits hypothécaires, ce qui entraîne la saisie de leurs maisons.
A partir de 1997, la FED laisse monter les cours boursiers, bien que dans un premier temps son Président Alan GREENSPAN ait dénoncé l’exubérance irrationnelle des marchés financiers. Puis le discours change et tend à légitimer cette hausse extravagante due aux gains de productivité obtenus par une diffusion rapide des nouvelles technologies… L’indice Nasdaq est multiplié par 6 entre 1995 et 2000 pour être divisé par 3 entre 2000 et 2003.
Dans la période euphorique, les entreprises s’étaient endettées, notamment pour acheter d’autres entreprises surévaluées : leur taux d’endettement passe de 37 % à 47 % du Produit Intérieur Brut (PIB). La crise boursière les oblige à se désendetter, ce qui aboutit à une baisse de l’investissement et au recul de l’emploi. En 2001, 5 % des entreprises américaines ont disparu, quand le taux normal est de 1 %.
Et la FED, nous direz-vous ? Parce que l’inflation oscillait entre 1,5 et 3 % et que le taux de croissance avoisinait les 4 %, la FED ne montera pas les taux d’intérêt à 3 mois au-dessus de la fourchette 5-6 %, ce qui aurait freiné l’emballement boursier.
A partir de 2002, on rejoue le même scénario. Les taux d’intérêt bas amènent une croissance forte de l’endettement immobilier des ménages, qui passera de 100 à 135 % en 4 ans du Revenu annuel, et des prix des maisons. La spéculation et la construction immobilières s’affolent.
Soudain, le marché réalise qu’il y a 4 millions de maisons invendues et que la remontée de 1 à 5 % des taux d’intérêt de la FED coïncide avec ce stock pléthorique.
L’intégration des crédits immobiliers dans des actifs financiers complexes (subprimes) favorise la généralisation de la crise aux autres marchés financiers.
« Dans les 3 crises, l’absence de réaction de la Réserve Fédérale à la hausse des prix des actifs (immobiliers ou actions) et à la hausse de la dette (des entreprises ou des ménages) vient de ce que ces évolutions voisinent avec l’absence d’inflation. Or, c’est bien sûr, l’inflation qui est au centre des préoccupations de la Banque Centrale. » (Patrick ARTUS, p.14)