Union Allemande : Alexandre Adler se trompe
Dans sa dernière chronique au Figaro (3 avril 2010), Alexandre Adler nous a gratifiés une nouvelle fois de ses connaissances historiques en analysant la crise politique européenne actuelle, « dont l'ampleur autrefois aurait débouché sur une sorte de guerre manoeuvrée, l'équivalent de la dépêche d'Ems de Bismarck ».
Pour lui, c'est entendu, « il y a à la base de la "sécession" allemande des éléments objectifs incontestables ». Le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder a instauré une politique économique qui impose aux salariés, aux syndicats, à ses électeurs, une cure d'austérité sans précédent depuis 1950, ce que d'aucuns nomment une stratégie non coopérative (lire nos notes précédentes), et Mutti Merkel n'a fait que poursuivre les objectifs du schéma général. Arguant des sacrifices du peuple allemand pour se sauver, la chancelière « vient en fait de briser, sans doute définitivement, les mécanismes de solidarité et de convergences mis en place pendant les 20 dernières années de politique européenne ».
De cet événement, Alexandre Adler tire 3 conséquences : les 2 premières sont fallacieuses.
Il considère tout d'abord que l'Allemagne est en train de divorcer de l'Euroland. Ce n'est pas parce que l'Allemagne s'est opposée à certains autres pays dans la crise grecque qu'elle s'est isolée du groupe ; c'est au contraire une prise de pouvoir politique dans la conduite des affaires européennes. Ensuite, il pense que l'Allemagne sera amenée vers une alliance russe du fait de son impératif commercial d'économie exportatrice, alors que le tournant stratégique a été pris par Gehrard Schröder, et qu'il n'implique pas une rupture unilatérale de l'Allemagne avec l'Euroland. Enfin, il affirme qu'avec Mutti Merkel le modèle rhénan est en voie de résorption sous une forme « prussienne, autarcique et slavophile ».
Sur ce dernier point, il n'a pas tort : c'est un modèle qui ne sera pas étranger aux théories du philosophe Peter Sloterdjik.
Selon nous, l'Allemagne a décidé d'assumer pleinement le leadership au sein de l'Euroland qu'elle pilotera en fonction de ses intérêts fondamentaux. Par exemple, divorcer de l'Euroland, comme le suggère Alexandre Adler, serait une pure folie puisque le mark se réévaluerait au point de ruiner les efforts consentis jusqu'à présent. C'est d'ailleurs parfaitement inutile car depuis le début de l'histoire, l'Allemagne maîtrise les coulisses de l'euro et c'est à Francfort que siège la BCE ; par conséquent, ce sont les récalcitrants à la médecine allemande qui devront quitter l'institution.
Comme l'écrit Adler : « Point n'est besoin de pleurer, ni de se jeter dans un nouveau Sedan. La France a encore beaucoup d'atouts. A elle de s'en servir. »
Alexandre Anizy