Le dernier œuf de Dubravka Ugrešić
Parlant de la vieillesse, on frise le naufrage.
On retrouve dans Baba Yaga a pondu un œuf, le dernier ouvrage de Dubravka Ugresic (Christian Bourgois, avril 2021 pour l’édition numérique), les thèmes qui font sa singularité, d’autant qu’elle n’a rien perdu de sa lucidité politique, malgré l’exil :
« La Yougoslavie avait été un pays horrible. Ils mentaient tous, comme ceux d'aujourd'hui. La seule différence, c'est que d'un seul mensonge ils en ont fait cinq. » (p.102) Lire la source ici .
Hors de la Croatie, l’autrice écrit sur la Croatie et ce faisant, mutatis mutandis, parle d’un processus universel. Cependant cette fois-ci, l’impression d’un style négligé nous a rebutés. Exemple :
« L’été, dans le quartier de Novi Zagreb où vit maman, l’air pue la fiente d’oiseau. Dans les feuilles des arbres devant l’immeuble de maman bruissent des milliers et des milliers d’oiseaux. » (p.10 sur 279)
Bref, aux deux tiers, on a fermé le livrel.
N’ayant pas le passé de Jakuta Alikavazovic, les subtilités culturelles nous ont échappé. Il n’empêche que dans sa recension dithyrambique parue dans l’imMonde du 29 avril, elle s’égare quand elle dit :
« L’autrice défend et incarne l’idée d’une littérature transnationale, dans laquelle l’exil, précisément, joue un rôle central. D’exil, la vieillesse en est un ; dans le monde postcommuniste, le capitalisme en est un autre. » ;
Parce que Dubravka Ugrešić est terriblement locale, et parce que "l’exil" du mode de production capitaliste en terres postcommunistes est une thèse difficilement soutenable, puisque son implantation est concrète, très concrète. Bien des jeunes chômeurs croates le confirment.
Si le mélange des genres est à la mode, il n’empêche pas la rigueur dans l’analyse.
Alexandre Anizy