François LENGLET a raté "sa crise" (IV)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite de nos notes économiques du 11, 19 et 21 août 2008)

Dans cette 4ème note, nous allons dire d’abord comment nous estimons le livre de François LENGLET, et enfin ce que d’autres en ont pensé.

Ce livre prétend défendre une thèse : les mêmes mécanismes qui ont provoqué la crise des années 30 seraient à nouveau à l’œuvre. Malheureusement, nous nous apercevons très vite que la tâche devait être trop importante ou trop pointue ou trop rébarbative pour le journaliste François LENGLET, trop habitué peut-être à balayer les sujets en trois feuillets.

Si on prend la bibliographie, on remarque d’emblée des absences étonnantes, comme par exemple :

Charles KINDLEBERGER : « Histoire mondiale de la spéculation financière » (Valor éditions 2005) ;

John Kenneth GALBRAITH : « la crise de 1929 » (en poche) ou bien « Brève histoire de l’euphorie financière » (Seuil 1992).

François LENGLET s’est attelé à un travail d’ordinaire réservé aux chercheurs : en avait-il les moyens (l’expérience et surtout le temps) ? Le résultat nous amène à répondre négativement.

A la place d’un ouvrage sérieux, on a droit à un survol des arguments de la thèse, pour vite retourner aux démons de l’essai journalistique bouclé en trop peu de temps : par exemple la géopolitique, qui n’apporte rien à la thèse soutenue, prend 22 pages, soit 9,56 % du bouquin.

Pour appâter les confrères utiles à la promotion commerciale, l’auteur récite le chapelet des idées en vogue : autorité et élites en crise, la montée du populisme, l’identité nationale en question (traitée en 15 pages), etc.
De même, pour réussir la mayonnaise médiatique, il ne faut pas négliger les petites phrases sentencieuses, du genre :

« Après tout, Jacques CHIRAC, aussi médiocre président qu’il se soit montré, a été désigné par le peuple à deux reprises. » (p.152) ;

« Le DANDIEU des années 2000 s’appelle Nicolas BAVEREZ (…) sous le titre la France qui tombe. » (p.182) ;

« L’esprit « ligne Maginot » n’est pas mort, il a trouvé en Martine AUBRY, Jean-Pierre RAFFARIN, Jacques CHIRAC et Thierry BRETON de modernes incarnations. » (p.199) ;

Edouard BALLADUR serait un clerc qui trahit (Julien BENDA est cité bien entendu) puisqu’il ne croirait plus en l’homme universel (p.216) ; José BOVé et les faucheurs d’OGM seraient l’avant-garde d’un retour conservateur aux sources (p.221) ; les juges ne seraient pas toujours libres face à la pression populaire [là, ça en devient hilarant] (p.223).
 

Pour résumer notre critique : en voulant jouer dans la cour des chercheurs, François LENGLET a sous-estimé l’ardeur de la tâche.

 
Mais alors, qu’en ont dit les confrères ?
Disons que, comme Marie-Laure BAUDET, ils ont plutôt salué le travail d’un auteur « qui connaît son sujet, se révélant tour à tour économiste, historien ou fin connaisseur des thèses freudiennes (…) » pour la présentation d’un argument qui, « répété au fil des pages, est facile à exprimer : la crise des années 30 est devant nous. ». (Le Monde 5 juin 2007).
Mais nous savons que le quotidien vespéral crie rarement haro.
BAUDET Marie-Laure renvoie fort justement au livre «le capitalisme est en train de s’autodétruire » de Patrick ARTUS et Marie-Paule VIRARD (La Découverte 2005). Une référence à des gens sérieux.  

 

Alexandre Anizy