Allemagne et France vus par Peter SLOTERDIJK (II)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite de la note précédente portant le même titre)


1945 : en France la double falsification

A cette date, la situation française ressemble à la position italienne de 1918. « (…) dans un cas comme dans l’autre, on observe, après la victoire offerte, une oscillation initiale entre les tendances allant vers la métanoïa et celles qui poussent vers l’affirmation (…) un balancement qui se résout au bout du compte dans l’esprit d’une falsification plus ou moins totale du résultat de la guerre. » (p.34)

Alors que les Italiens avaient choisi la fuite en avant mussolinienne, les Français ont eu de la chance en choisissant « le moindre mal, la thérapie gaulliste ». (p.35)

« Parallèlement à l’évasion gaulliste dans l’affirmation nationale, la gauche française développa un deuxième front de falsification (…) ». (p.35) : la France de la Résistance a gagné la guerre aux côtés de STALINE et de l’armée rouge. Ainsi la « guerre des Gaules herméneutique entre la droite française d’après-guerre et la gauche française d’après-guerre » était aussi le conflit de 2 falsifications incompatibles du résultat de la guerre.


Avec retour du général DE GAULLE en 1958, la théorie des après-guerres permet d’avancer que « la surélévation de la fonction présidentielle ne produit de sens, au bout du compte, uniquement si l’on suppose que l’Elysée voulait être une Maison Blanche européenne (…) ». (p.37)

« Il serait pourtant injuste de dénier franchement certaines qualités métanoiétiques à l’œuvre du général (…) » (p.38) : à son crédit, la réconciliation de la vieille droite avec la modernité républicaine.

 

Mais le plus intéressant se situe de l’autre côté de l’échiquier français. A partir de 1944, « une forme singulière (…) de littérature pseudo-métanoiétique » apparaît, avec l’importation massive de philosophes allemands (HEGEL, HEIDEGGER, MARX, NIETZSCHE, Carl SCHMITT). Le procédé de base à l’œuvre dans la falsification du résultat de la guerre opérée par la gauche est « la fuite dans l’hyper grandeur du socialisme ». Ainsi naquit une « scène culturellement hégémonique » qui fit du vrai intellectuel français un « engagé » : « Cette église combattante de la résistance après coup sut se généraliser en critique de la société bourgeoise et de l’ère du capitalisme tardif en mélangeant le marxisme, la sémiologie et la psychanalyse pour en faire un amalgame suggestif. » (p.41) Sur les campus américains, cela s’appelle la French Theory ou Critical Theory.

 

Entre la critique française et la critique allemande, il existe « une tendance diamétralement opposée en matière de politique de la vérité » : « en Allemagne, la défaite s’appelle la défaite (et le crime, le crime) – et c’est à l’aune de ce mètre étalon sémantique que l’on mesure aussi les autres mots. » (p.43)

(A suivre…)

 

Alexandre ANIZY