François Lenglet a réussi sa guerre des empires - Chine vs Etats-Unis (III)

Publié le par Alexandre Anizy

 

(Suite des 2 notes précédentes portant le même titre)

Dans les années 80, l'entreprise Chine tourne à plein régime. Mais les intellectuels comme l'immense majorité du peuple en ont gros sur le cœur, en constatant que le développement économique profite aux gens du Parti et aux paysans incultes qui vendent leurs productions sur le marché libre (inflation de 18,5 % en 1988).

Vient la révolte de la place Tian Anmen, que le petit timonier Deng Xiaoping condamne dès le 26 avril 1989 : « si nous nous montrons tolérants ou complaisants vis-à-vis de ces perturbations [une « conspiration organisée », écrit-il aussi] et que nous ne les contrôlons pas, il s'en suivra un grave chaos » (cité p.71) Le massacre aura lieu dans la nuit du 4 juin (entre 1500 et 2500 morts).

Le président Georges Bush répond qu'il n'aura pas de réaction émotionnelle, et il prend quelques mesures indolores : suspension des ventes d'armes et interruption des voyages officiels. Le 9 juin, Deng Xiaoping confirme le bien-fondé du massacre : « Même si les pertes sont regrettables, cela nous a permis de faire triompher le peuple (...) » (p.73). Bref, la ligne politique est excellente.

Contrairement à Bush (Cf. sa lettre mielleuse du 23 juin au petit timonier), le Congrès prend des sanctions économiques : l'establishment américain ne respecte plus les dirigeants chinois.

 

Passé un délai de 30 mois au cours duquel les têtes changent dans l'appareil politique, Deng Xiaoping livre ses oracles dans le discours de Nanxun au début de l'année 1992, qu'on peut résumer par "plus de hardiesse dans les réformes et l'ouverture". Il s'agit d' « emprunter avec audace tout élément de civilisation créé par les sociétés humaines, tous les modes d'organisation et de gestion performants propres à chaque nation du monde d'aujourd'hui, y compris aux pays développés capitalistes » (p.78)

Pour continuer son développement économique indispensable au maintien de la caste rouge, les dirigeants chinois ont compris qu'ils devaient aussi changer de comportement, i.e. renoncer à celui du temps de la guerre froide. « Cette conscience de soi nouvelle de la Chine bouleverse ses rapports internationaux. L'arrogance chinoise est de retour. » (p.78) Les incidents sur mer avec le Vietnam, les Philippines ; la Corée du Sud signe des accords bilatéraux, malgré l'aide de Pékin à la Corée du Nord ; même le Royaume-Uni ne veut pas fâcher l'Empire du Milieu pour ne pas perdre les dividendes du marché chinois …

Économiquement, en 1994, les choses ne vont pas assez vite pour les dirigeants chinois : ils décident de dévaluer de 50 % le yuan pour stimuler leurs exportations.

 

En 1997, un typhon financier s'abat en Asie : le 2 juillet, le bath thaïlandais décroche de sa parité avec le dollar (problème d'endettement et de spéculation) ; « le 11 juillet, c'est le peso philippin qui flanche. Le 14, le ringgit malaisien, puis la roupie indonésienne, et le dollar de Hong-Kong lui-même qui est mis sous pression. » (p.85) Bref, c'est un mini 1929. Les experts craignent une dévaluation chinoise.

Mais la Chine maintiendra la parité de sa monnaie, achetant « à bon compte un brevet d'honorabilité », puisque la crise asiatique de 1997 a en partie son origine dans la dévaluation de 50 % du yuan en 1994, qui provoqua instantanément un renchérissement des exportations des petits dragons …

 

Munie de son brevet de bonne conduite financière, la Chine est en position de force pour négocier son entrée dans l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Son intégration va lui permettre d'échapper au chantage annuel de l'administration américaine, relatif au renouvellement de la "clause de la nation la plus favorisée" : une chose vitale pour les exportations chinoises.

« Ainsi vont les négociations avec la Chine : chaque geste a une motivation, chaque geste a un prix. » (p.86)

 

(à suivre)

 

Alexandre Anizy