François Lenglet a réussi sa guerre des empires - Chine vs Etats-Unis (V)

Publié le par Alexandre Anizy

 

(Suite des notes précédentes portant le même titre)

Été 2005, le patron de la FED Alan Greenspan emploie un nouveau terme, le "conundrum" (l'énigme), pour décrire un phénomène : alors qu'il a relevé les taux d'intérêt à court terme pour ralentir l'économie américaine, les taux d'intérêt à long terme n'ont pas augmenté, comme il le font normalement. Pourquoi ? « Personne n'en distingue la cause véritable : les achats de bons du Trésor américain par les Chinois se sont intensifiés. (…) massivement (...) » écrit François Lenglet (p.102)

 

En effet, l'explosion de la balance commerciale chinoise au début des années 2000 provoque une accumulation gigantesque de dollars : la lessiveuse monétaire transpacifique s'est mise en marche.

« En déversant leurs flots de liquidités excédentaires prélevés sur la croissance mondiale grâce à leur monnaie de combat, les Chinois alimentent la plus grosse bulle spéculative de tous les temps. Les taux d'intérêt baissent et les prix de l'immobilier grimpent aux États-Unis (...) » (p.103)

Résumons : les États-Unis financent leur croissance avec les liquidités de la Chine, qui doit son développement à l'export à l'endettement de l'Amérique.

En 2007, la marmite américaine explose. C'est une bonne nouvelle pour Pékin.

 

Grâce à la crise systémique de 2007, la Chine va en effet changer de position sur l'échiquier mondial. Fin 2008, début 2009, les pays occidentaux connaissent une chute de la production, du commerce international, des marchés financiers, pire qu'en 1929 – 1930 selon l'économiste Kenneth Rogoff. Au début, La Chine se croit à l'abri de cette débâcle, confortée par l'analyse simpliste d'experts incompétents (les mêmes qui n'ont pas vu venir l'effondrement ?) qui pronostique le découplage des pays émergents (cette théorie affirmait qu'ils échapperaient au mouvement général de baisse).

Mais très vite, les dirigeants chinois constatent que leurs ventes à l'étranger chutent de 30 %, notamment aux États-Unis. Comme les exportations représentent une part élevé du PIB chinois et en particulier de leur croissance économique, pas besoin d'être un expert pour comprendre qu'ils vont eux aussi connaître les affres de la récession. En dessous d'un taux (officiel) de croissance de 8 %, l'entreprise Chine ne crée plus d'emplois, ce qui ne peut perdurer sous peine d'implosion du système économique et politique (lire à ce sujet nos notes sur le grand bluff chinois).

Or les gérontes de la caste rouge tiennent à leurs privilèges.

10 novembre 2008, Pékin annonce un gigantesque plan de relance (600 Milliards de dollars, soit 7 % du PIB sur 2 ans).

 

 

 

5 jours plus tard, au G20 réuni à Washington, le président Hu Jintao déclare que la Chine assume ses responsabilités pour éviter l'effondrement général. Deux mois plus tard, à Davos, le vice-Premier Ministre Li Keqiang sermonne les leaders économiques de la planète. En avril 2009, c'est au tour du gouverneur de la Banque Centrale de Chine (BCC), Zhou Xiaochuan, de dénoncer les défauts trop onéreux pour tous du système monétaire actuel : les Chinois veulent désormais sortir du piège qui veut que l'enrichissement en dollars de la Chine est un mirage, puisque la valeur de ses actifs financiers diminue si le dollar baisse. La Chine se sent assez forte pour le dire … et agir pour le changement à son avantage.

 

Pourtant, la Chine est aussi un volcan : sa dette totale atteindrait 100 % du PIB en 2011, presque comme la Grèce … Dans le cadre du plan de relance, des entreprises ont investi dans l'immobilier (terrains ou constructions), amplifiant la bulle spéculative du secteur … Le Conseil d'État a repéré des surcapacités de production dans l'acier, l'aluminium, le ciment, le verre, la carbochimie, le silicone et le matériel pour éoliennes. Exemple : pour l'acier, « sur le seul premier semestre 2009, les capacités chinoises ont crû de 58 millions de tonnes – effet du plan de relance -, alors que la demande mondiale chutait de 15 %. » (p.123)

« En clair, l'explosion de la bulle est imminente … » (p.123)

 

(à suivre)

 

Alexandre Anizy