Sarajevo omnibus : terminus pour Velibor Čolić ?

Publié le par Alexandre Anizy

 

Velibor Čolić est entré dans la prestigieuse collection de Gallimard avec son roman Sarajevo omnibus (mars 2012, 176 pages, 15,90 €) : il atteint ainsi le Golgotha de beaucoup d'écrivailleurs ambitieux. Nous qui avions apprécié son Jesus et Tito,

http://www.alexandreanizy.com/article-velibor-oli-tcholitj-n-est-ni-footballeur-ni-jesus-ni-tito-53667706.html

ne pouvions pas manquer cette nouvelle rencontre.

 

Malheureusement, Sarajevo omnibus joue sur un autre registre : l'évocation d'un XXe siècle tragique à partir de lieux emblématiques comme le Pont Latin et de personnages les ayant fréquentés. Si Velibor Čolić garde ses distances avec le pathos, il n'en devient pas moins plus sérieux. Mais c'est plutôt l'architectonique de l'ouvrage qui suscite notre réserve : si « le romancier n'a de compte à rendre à personne, sauf à Cervantès » (Milan Kundera, cité en avant-propos), le même auteur dit aussi que « … composer un roman c'est juxtaposer différents espaces émotionnels, et que c'est là, selon moi, l'art le plus subtil d'un romancier. » (l'art du roman, poche folio septembre 2009, page 110-111), et de ce point de vue, le but n'est pas atteint.

 

Ayant lu La route de Sarajevo de Vladimir Dedijer (que le temps passe...), qui raconte justement l'attentat de Sarajevo du 28 juin 1914 (partie centrale de la chronique de Čolić), nous l'avons cherché dans la bibliothèque pour le feuilleter : on y retrouve les protagonistes (Gavrilo Princip l'assassin, Čabrinović – le 1er nationaliste qui lança la grenade sur la capote de l'automobile du prince héritier, rebondissant pour éclater sous le véhicule suivant -, le colonel Dimitrijević – le chef de l'organisation secrète "la main noire" -, etc.) et la confirmation que les conjurés ont eu beaucoup de chance pour réussir (après le 1er attentat manqué, les autorités décident de changer l'itinéraire prévu et d'emprunter le quai Appel à vive allure – évitant ainsi les petites rues du centre -, mais, les 2 premières voitures du convoi se trompant et prenant le 1er itinéraire, la 3ème qui porte François-Ferdinand d'Autriche s'arrête brutalement sur ordre du gouverneur Potoriek … à l'endroit où se tient Princip ! « Au premier moment, j'eus l'intention de lancer la bombe que je portais dans ma ceinture, du côté gauche. Mais la vis était serrée si fort que j'aurais eu du mal à l'ouvrir. Et puis, dans une foule aussi dense, il aurait été difficile de la sortir et de la lancer. Je sortis donc le révolver et le levai en direction de l'automobile, sans viser. J'ai même détourné la tête en tirant. » (p.306) récit de Princip lors de l'interrogatoire du 3 juillet).

A quoi tient l'orientation d'un siècle vers la boucherie ?

 

Prions pour que Velibor Čolić retrouve la grâce d'un style plus léger sans quitter les ors de la rue Sébastien Bottin !

 

Alexandre Anizy

Publié dans Notes culturelles

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