Au bar de Louis Brauquier
En été, il faut se désaltérer.
Le barman
Sur le zinc rutilant où, vainqueur des névroses,
Dorment les gins dorés et le pâle soda,
Inquiet de son cocktail fameux que l'on vanta,
Le barman, docteur ès alcool, combine et dose.
Et tandis qu'il s'amuse aux couleurs qu'il dispose
Pour des sièges très hauts dans des verres très bas
Il apprend, malgré lui, que, si Lulu les a,
Simone qui vécut attend la ménopause
Confident fraternel et sans sexe, il prévient
Sa cliente gênée et lui montre au besoin
Le miché barré d'or qui veut se mettre en vogue.
Ainsi vêtu de blanc lilial, rasé de frais,
Il garde seulement en mixturant ses drogues,
L'imperceptible orgueil d'user de mots anglais.
Louis Brauquier
(Je connais des îles lointaines - poésies complètes, La Table ronde, 2000)