Fêlé Svetislav Basara ?
De toute évidence, l'imagination ne fait pas défaut dans les Balkans : il y avait longtemps que nous n'avions pas rencontré un texte aussi déjanté, absurde, que « le miroir fêlé » de Svetislav Basara (en poche 10/18). Dans cette histoire décousue, l'auteur s'adonne à l'ironie permanente, l'humour irrévérencieux, la sentence définitive.
Donnons quelques exemples.
« La similitude du football et de l'histoire est d'une autre nature : vaincre à tout prix, vaincre en dépit des victimes, en dépit du fair-play. Le fair-play est une charmante illusion du baron de Coubertin que des voyous ont mise à profit et monnayée. J'ai joué au football, je peux jurer qu'il n'y a là aucun fair-play. » (p.27)
« Ah, ces jours du renouveau et de la reconstruction, ces années d'élan où il n'y avait pas de crise d'identité, où nous croyons ferme que nous existions, que le BIEN c'était de piquer les femmes des autres et le MAL de se les faire piquer. » (p.61)
« La raison humaine est vraiment superflue. Mais envahissante. (…) Les psychiatres parlent leur langage de psychiatres, les ingénieurs celui des ingénieurs, les fous la langue des fous. On ne peut plus se comprendre avec personne. » (p.46)
« Ce n'est que le psychiatre et le fou ensemble qui font la folie. Comme mari et femme font un ménage. Pour l'ineptie, il faut être au moins deux. Ça ne marche pas autrement. » (p.33)
« « Boba, que penses-tu de mon roman ? » Il a réfléchi pendant quelques instants, puis il a dit : « Je pense qu'il est barbant. » » (p.54)
Finalement, malgré le brio de Basara, eh bien nous pensons un peu comme Boba le boxeur (clin d’œil à Boban ?).
Alexandre Anizy