Alikavazovic sur le chemin de la guérison

Publié le par Alexandre Anizy

Grâce à une collection, Jakuta Alikavazovic est sur une bonne voie.

 

Comme nous avions dit le talent en germe de Jakuta Alikavazovic (lire ici ), de même que ses errements tout compte fait scolaires nous avaient consternés (lire ici ), comme ses élucubrations sur la littérature transnationale (lire ici ), nous écrivons aujourd’hui que son dernier opus paraît prometteur : Comme un ciel en nous (Stock, collection Ma nuit au musée, 2021). Pourquoi ? Elle a mûri…

 

« Vous savez que vos tours et détours n’ont été qu’une spirale qui a fini par vous ramener ici, au centre de votre enfance ou au centre de vous-même. » (p.48 de 77)

« On s’efforce de grandir, de se détacher, d’exister en propre. L’ironie, il me semble, tient au fait que c’est justement cet effort-là qui finit de faire de moi la fille de mon père. Je ne lui ressemble jamais plus que lorsque je m’éloigne, lorsque je l’abandonne.» (p.72 de 77)

Oui, c’est un paradoxe ironique : plus les enfants s’efforcent de fuir leurs parents, plus ils sont sur le chemin de la ressemblance.

 

Il semble qu’Alikavazovic en ait fini avec le rejet de sa propre histoire (son amour de l’anglais  ̶  c’est son gagne-pain, alors pas de crachat  ̶  est-il proportionnel au dégoût du serbo-croate ?). Il est donc possible qu’elle soit prête pour son chef-d’œuvre. Sur la noirceur humaine, par exemple.

« La délation, cet art français [le dénigrement de soi… Jakuta ne l’a pas encore totalement laissé aux étrangers, mais elle se soigne puisqu‘elle l’a compris pour les Yougos…], il en parlait avec la légèreté que l’on réserve aux temps primitifs ; comme si rien n’en subsistait. Mais moins de dix ans plus tard, dans les années 1990, durant la guerre en ex-Yougoslavie, durant le siège de Sarajevo, c’est la porte de ma tante qui sera marquée à la craie par les voisins fuyant la ville. En précipitation, quoique prenant le temps de signaler pour l’armée en route la population à supprimer. (…) elle me dit Tu te rends compte ? Pendant quinze ans nous sommes partis avec eux en vacances. » (p.36 de 77)  

         

Alexandre Anizy