Europe 2010 : en route vers la crise des années trente
Si l'économie politique n'est pas une science exacte, elle a quand même dégagé quelques lois vérifiées dans les faits. Par exemple, en macroéconomie, la théorie dit qu'une union monétaire ne peut pas fonctionner sans mécanisme de coordination budgétaire. Les dogmatiques allemands sous la férule du chancelier Helmut Kohl, par intérêt national, ont substitué à cette nécessaire coordination l'utopique pacte de stabilité, qui est un instrument arbitraire et insensible aux conjonctures économiques.
Suite aux secousses financières et monétaires déclenchées par la crise grecque, les ministres des Finances des 27 ont durci les règles de ce pacte inopérant, ce qui prouvent qu'ils n'ont rien appris des erreurs passées. A leur décharge, force est de constater que bien des économistes patentés sont dans le même bateau ivre.
En 1982, les créanciers souverains du Mexique ont refusé de voir le problème de solvabilité, arguant d'un simple problème transitoire de liquidité. Résultat : 10 ans perdus pour l'Amérique Latine, à qui le Fonds Monétaire International (FMI, déjà dirigé à l'époque par un Français, Jacques de Larosière, qui ne se prétendait pas socialiste comme aujourd'hui Dominique Strauss-Kahn l'ami du CAC 40) a imposé des plans d'austérité stériles. Leur calvaire a pris fin à partir de l'initiative Brady, quand les dettes ont été restructurées … et quand les banques ont pu solder leurs créances.
Pour la Grèce, cette solution pleine de sagesse n'a pas été retenue en 2009. Grâce à la complicité des agences de notation, les titres de la dette publique des pays comme le Portugal et l'Espagne ont été contaminés.
Le durcissement du pacte de stabilité et les différents plans d'austérité annoncés constitueront une compression extraordinaire des dépenses publiques dont le résultat sera la déflation compétitive. C'est à dire la reproduction de la politique économique instaurée en Allemagne par le chancelier Schröder (un socialiste, paraît-il). Or l'Allemagne n'a survécu à ces saignées que grâce à ses exportations mirobolantes … dont 75 % des excédents étaient réalisées sur le dos de l'Europe !
Aujourd'hui, compte tenu de son niveau élevé d'endettement, le secteur privé européen ne pourra pas suppléer la baisse de la composante publique de la demande. En conséquence, toutes choses égales par ailleurs, nous allons entrer dans le cercle infernal de la déflation, de la récession et de l'augmentation de la valeur réelle des dettes. C'est à dire la situation du bloc-or en 1932-1936, après la dévaluation de la livre sterling en septembre 1931.
L'Europe est en route vers le passé : les années trente précisément (1).
Alexandre Anizy
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: même si nous répétons nos critiques par rapport à son livre, nous disons aussi à nouveau combien François Lenglet était bien seul en 2007 lorsqu'il publia son livre. Nous vous renvoyons à l'ensemble de nos notes concernant cet ouvrage :
http://www.alexandreanizy.com/article-21885743.html
http://www.alexandreanizy.com/article-22073809.html
http://www.alexandreanizy.com/article-22126004.html
http://www.alexandreanizy.com/article-22151045.html