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notes economiques

Philippe Aghion ne repense pas grand-chose

Publié le par Alexandre Anizy

En mai 2009, nous avions raillé les travaux de Philippe Aghion, une sorte de caricature de l’économiste français.

http://www.alexandreanizy.com/article-31995702.html

Comme cet enseignant-chercheur qui se dit de gauche est en pleine promotion d’un essai ("tonique" selon le Nouvel Observateur…), il convient de repositionner le bonhomme à sa juste place.

 

Pour quelqu’un qui prétend repenser l’Etat, la banalité de ses priorités économiques est consternante :

« Ce que nous proposons, c’est un Etat économe qui agit du côté de l’offre, cible ses investissements vers les domaines les plus porteurs de croissance [nous n’échappons pas au concept fumeux de "l’économie de la connaissance", ndAA] et conditionne ses investissements publics à la mise en place de bonnes règles de gouvernance. » (in Nouvel Observateur du 15 septembre 2011)

On croirait entendre une déclaration indigente de Christine Lagarde, l’ex incompétente ministre de l’économie retournée dans ses pénates.  

 

Et lorsque cet homme de droite déclare que 

« La gauche française à vocation à réformer l’Etat pour le mettre aux normes de justice et d’impartialité qui prévalent chez nos voisins européens les plus avancés. » (idem),

il faut traduire ainsi : la mission de la gauche PSUMP est de dégraisser l’Etat. Mais n’est-ce pas le projet politique de la bande à Sarkozy Nagy Bocsa ? En réalité, Philippe Aghion est un cynique : il sait que le dépeçage sera plus facile et plus profond lorsqu’il sera opéré sous le masque du radical-socialisme. Comme le capitalisme français (sans capitaux) a été transformé pour son plus grand bien en 1981 sous l’impulsion du francisquain Mitterrand.

 

« Il faut tourner la page de la social-démocratie de la consommation et de la redistribution pures pour ouvrir celle, proposée dans ce livre, d’une social-démocratie de l’investissement et de l’innovation. » (ibidem)

En fait, ne pas ouvrir ce livre insignifiant est le bon geste.

 

 

Alexandre Anizy

 

Sortir de la méthode Pastré, noble banquier tunisien

Publié le par Alexandre Anizy

 

Professeur à Paris 8, Olivier Pastré affirme aujourd'hui dans Libération que le scénario de la sortie de l'euro pour la Grèce serait un suicide. A la lecture de cet entretien, il apparaît surtout que « pour le reste de l'Europe (…) la facture à payer serait élevée », ce qu'il vaut mieux éviter en plombant un vilain canard de l'oligarchie européenne, n'est-ce pas ? Dans ces conditions, à qui sont réservés les bienfaits d'un patriotisme économique bien compris ?

 

Sur ce sujet, le patriotisme économique étant alors un thème porteur, le professeur Olivier Pastré, noble banquier tunisien au temps du dictateur Ben Ali, avait décidé en septembre 2006 d'apporter ses lumières au public dans un livre titré « la méthode Colbert » (Perrin, 228 pages, 17,50 €). Comme d'habitude, nous n'avons pas été déçus par le bonhomme.

 

Quand, dans l'introduction, ils lisent ceci :

« Les marchés financiers dictent leur loi. La communication a envahi la sphère politique. La nation française elle-même n'est plus qu'une subsidiarité de l'Europe. » (p.13) ;

d'aucuns pourraient penser que l'auteur, diplômé d'une université américaine, a viré sa cuti, faute de connaître la méthode Pastré. Car, logé dans les méandres d'un raisonnement soporifique, le noyau dur de la pensée néolibérale est affirmé sans hésitation ni argumentation. Prenons un exemple.

 

« Les délocalisations sont inévitables. (…) Il faut donc s'y faire et, en même temps, en relativiser les conséquences. » (p.117)

Un économiste fataliste donc, qui sent bien que son rôle est d'expliquer inlassablement l'inéluctabilité d'un phénomène inoffensif, puisque

« (…) les délocalisations ne modifient en rien l'ancrage d'une entreprise à son territoire national. » (p.118),

prouvant ainsi qu'il néglige le transfert du savoir-faire industriel en ne voyant que la surface capitalistique des choses ;

mais de toute façon,

« On peut donc avancer. Il le faut. C'est impératif, car il n'y a pas d'alternative. Un échec complet du cycle de Doha (...) » (p.89) ;

faire l'apologie du libre échange, avec un accent thatchérien, dans un livre qui prétend rendre efficace la thèse du patriotisme économique, c'est le genre d'enfumage coutumier de cet économiste bien en cour.

 

 

En matière de pédagogie, le professeur Pastré n'a jamais eu la moyenne (puisqu'il apprécie les évaluations, nous lui donnons sa note – et nous savons de quoi nous parlons). Un exemple.

Il raconte qu'en 2005 une rumeur d'OPA sur Danone par Pepsi-Cola parcourait les marchés financiers (quelques spéculateurs en profitèrent forcément), les salles de rédaction, et même le milieu politique : « (…) il ne s'agissait que d'une intox. » (p.16) C'est tout.

Mais l'issue de cette troublante affaire (une enquête n'a-t-elle pas été menée?) est relatée sans faire de lien et en termes si vagues que le lecteur non averti sera bien en mal de décoder le propos : « Faut-il défendre nos entreprises opérant dans des secteurs sensibles contre d'éventuels raiders étrangers ? Là aussi, le saupoudrage est la règle (les casinos ont ainsi été considérés, pendant un temps, comme des entreprises stratégiques ; Danone – encore lui – a dû se réjouir, qui possède le casino d'Évian...). » (p.30) En réalité, cette rumeur d'OPA a donné naissance à un amendement de loi (que d'aucuns ont nommé "Danone") qui stipulait que le rachat d'un casino était soumis à une autorisation de l’État.

Pour un bon pédagogue, il y avait de quoi expliquer, par exemple, les concepts de manipulation de cours, de lobbying, de "pilule empoisonnée". Mais pas chez Pastré, où on évoque, on cite sans dire, on raille en langage sibyllin.

 

 

En matière de rigueur intellectuelle, le professeur Pastré aura toujours des lacunes, surtout sur les sujets qui clivent. Exemple.

« La révolution libérale du début des années 1980, impulsée par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, n'a pas eu d'autre objectif que d'enrayer ce cercle vicieux. » (p.26)

C'est-à-dire "ce mode de régulation" "reposant sur l'intervention de l’État jusque dans la direction des entreprises, avait tendance à déresponsabiliser" les créateurs de richesse (comprendre les actionnaires, les entrepreneurs, les managers), "reposant sur une inflation auto-entretenue" ; pour résumer : « Le pari avait été fait, au cours de cette période, du salarié contre le rentier. » (p.25) Et non pas seulement la « stagflation, enfant adultérin de la stagnation et de l'inflation », comme la présente avec légèreté le professeur Pastré, qui n'ignore pas que le néolibéralisme est un projet de politique globale, un choix de société, et non pas un simple "policy mix".

 

 

Malgré ou à cause de ses défauts, la méthode Pastré séduit les médias : ça ne les remonte pas dans notre estime.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

: lire les notes passées consacrées à quelques articles d'Olivier Pastré.

 

 

Ordre monétaire ou chaos social de Frédéric Lebaron

Publié le par Alexandre Anizy

 

 

« Pourtant, les processus économiques sont des phénomènes de croyance, socialement construits et entretenus, et la politique économique n'y échappe pas : elle fabrique et modifie les anticipations des agents (...) » (p.18)

Dans un petit livre bien fichu, « ordre monétaire ou chaos social » (éditions du Croquant, septembre 2006, bouquinel de 65 pages), Frédéric Lebaron analyse la croyance économique des banquiers centraux.

« Le caractère intrinsèquement instable et incertain de la vie économique est nié au profit d'une utopie articulée sur la stabilité de l'ordre économico-monétaire. » (p.24)

Fi d'une politique macroéconomique européenne ! Seules importent les réformes structurelles et institutionnelles pour atteindre le paradis du marché unique, sans entrave, dont l'euro n'est que la base. C'est pourquoi

« Une véritable mystique de la monnaie anime ainsi les acteurs de l'unification monétaire. » (p.48)

 

 

Dans un livre récent plus dense, « la crise de la croyance économique » (éditions de Croquant, octobre 2010, bouquinel de 284 pages), Frédéric Lebaron étudie l'évolution de la doxa entre 2007 et 2010, parce que la crise a provoqué un ébranlement cognitif au sein de la communauté épistémique, le monde n'étant plus conforme à l'idéologie de la fin de l'Histoire ou de la mondialisation heureuse.

 Pour autant, cette crise de la croyance économique remet-elle en cause le processus régressif en cours ? A notre avis non, et cette comparaison de l'auteur explicite notre réponse :

« Ce fondamentalisme de marché, de nature religieuse, est le symétrique de la forme absolutiste de la croyance communiste, lorsqu'elle annonce l'éradication absolue de tout mécanisme de marché au profit d'une économie strictement collective et centralement planifiée. » (p.160)

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

L'illusion économique selon Bernard Guerrien

Publié le par Alexandre Anizy

 

Mathématicien devenu économiste, Bernard Guerrien a écrit un livre savoureux, « l'illusion économique » (Omniscience, septembre 2007, 224 pages), où il montre les absurdités logiques de la théorie néo-classique, qui est le socle de ce que nous appelons ici couramment la théorie dominante. Il défend l'idée que l'économie est une chose trop sérieuse pour être confiée à des prétendus experts dont la démarche scientifique paraît douteuse :

 

« L'une des thèses centrales de ce livre est qu'il n'existe pas un savoir en économie qui ne serait accessible qu'à une petite minorité d'experts ou de techniciens, auxquels il faudrait donc se confier plus ou moins aveuglément. Chacun peut se faire une opinion, en utilisant sa faculté de raisonner ou, si l'on veut, son bon sens. » (Bernard Guerrien, avant-propos)

 

Il faut savoir que les concepts de la théorie néo-classique sont longuement enseignés à tous les étudiants en sciences économiques (nous y compris, mais nous étions immunisés...), et qu'ils servent par conséquent de cadre référentiel pour l'écrasante majorité des économistes patentés, alors même que nombre d'expériences les ont infirmé. On peut penser que les professeurs de gestion l'ont compris, puisque dans « l'Encyclopédie de la gestion » (Economica, 1997), parmi les 1.000 références, ne figure aucun ouvrage de théorie néo-classique !

 

Nous ne donnons ici qu'un exemple : les marchés concurrentiels. Parce qu'ils sont le fondement théorique ET l'objectif final du fameux « marché unique européen » prévu et présenté par le social-traître Jacques Delors en 1985, lorsqu'il plastronnait à la tête de la Commission européenne.

Au lieu de partir d'une observation fine de la réalité, comme les marchés de gros ou les salles de marchés des banques, les économistes en pointe actuellement (le filon mathématique semble avoir atteint ses limites, puisqu' « il devient de plus en plus abscons, y compris pour une bonne partie de la profession », p.60) font des expériences de marché : « Plutôt que de partir de ce qui est, ils partent de ce qui doit être, une situation efficace, et cherchent le moyen d'y parvenir, par la concurrence, qui sera définie en fonction de l'objectif recherché. Qu'est-ce qu'une situation efficace ? Dans le contexte des expériences auxquelles on s'intéresse ici, c'est une situation où tous les échanges concernant un bien se font au même prix, qui est à la fois égal au prix maximum qu'est prêt à payer l'un des acheteurs pour le bien et au prix minimum auquel l'un des vendeurs est prêt à le céder. » (p.62)

Résultats ?

« L'expérience de Chamberlinavec ses étudiants, mis pourtant en situation concurrentielle – sur un pied d'égalité, aucun n'ayant d'avantage ou de pouvoir particulier -, n'aboutissait pas à l'issue efficace, loin de là. » (p.64)

 

« Il a fallu attendre une vingtaine d'années pour que soit proposée une forme d'organisation particulière des échanges qui conduise - approximativement – à une issue de ce type. Appelée système des doubles enchères continues, elle est assez compliquée et comporte plusieurs étapes. » (p.64)

Disons que si on répète les opérations de transaction, alors « on constate que les prix proposés se rapprochent de plus en plus du prix efficace. Pourquoi ? On ne sait pas trop, personne n'ayant cherché vraiment à faire la théorie de ce processus (…). » (idem)

Conférence Nobel de Vernon Smith :

« Nous n'avons pas la moindre idée sur la façon dont nos cerveaux résolvent le problème de l'équilibrage en faisant si peu d'effort, tout en interagissant avec d'autres cerveaux à travers le système des doubles enchères continues. » (cité p.65)

Malgré le fiasco de l'expérience Chamberlin et l'absence d'explication quant au résultat du système des doubles enchères, les sbires de l'oligarchie poursuivent la construction du "grand marché unique européen"fondée sur le principe des marchés concurrentiels. C'est pourquoi, concrètement, ils cassent les entreprises publiques comme EDF, SNCF, etc., afin de pouvoir les privatiser … et de les mettre en concurrence pure et parfaite.

Notre appréciation en termes économiques : dégât maximum immédiat pour des gains futurs nuls voire négatifs.

 

 

Brièvement, un autre exemple pour rire un peu ?

L'économie réelle étant vraiment trop complexe, les ultralibéraux des années 70 ont trouvé une solution drastique, la macroéconomie à agent représentatif, dans laquelle ils supposent qu'une économie n'est formée que d'un seul individu … qui ne fait pas d'échanges, donc pas de prix ! Pourtant les livres ou les articles qui utilisent la notion d'agent représentatif parlent de marchés, de concurrence, de salaire, de taux d'intérêt.

Une absurdité poussée à son comble, comme dit Bernard Guerrien.

 

 

Les économistes de la théorie dominantesont-ils des gens vraiment sérieux ? En refermant le livre, vous aurez votre réponse.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

Dette : ruine intellectuelle de Jacques Attali (II) ?

Publié le par Alexandre Anizy

 

(suite de http://www.alexandreanizy.com/article-dette-ruine-intellectuelle-de-jacques-attali-i-81104939.html )

 

Incapable ou ne voulant pas répondre à la question qu'il s'est posée (quand une dette publique devient-elle excessive ?), l'auteur décide de définir les dettes, les bonnes et les mauvaises, puis il s'attache à fixer le juste niveau de la bonne dette.

Soulignons que Jacques Attali propose un grand bouleversement dans l'organisation administrative de l’État : il serait intéressant d'en analyser les fondements idéologiques et d'en déduire les conséquences économiques et financières pour les agents économiques. Car Jacques Attali n'est pas neutre, notamment lorsqu'il écrit : « Une fois écartées les mauvaises dettes qui doivent être remboursées par priorité (...) » (p.161) Est-on vraiment soucieux de l'intérêt général en décrétant cette priorité ? Nous en doutons.

 

Ayant réduit le champ de son investigation sans avoir répondu à la question posée (serons-nous ruinés dans 10 ans ?), Jacques Attali va maintenant donner les éléments permettant de fixer le "juste niveau de la bonne dette".

Pour commencer le raisonnement, une idée générale qui ne mène concrètement nulle part mais vise à brouiller la notion de richesse nationale  :

« La dette doit donc d'abord être comparée à la valeur des actifs du souverain (…) et doit rester inférieure à la valeur de ceux de ces actifs pouvant servir à la rembourser. » (p.162)

Faut-il, comme le suggère l'auteur, écarter tous les actifs non valorisables par le marché et incessibles ? (un sous-marin nucléaire, une base de lancement de missiles nucléaires, etc.)

Le trouble étant instauré, on peut enfin passer à l'étape suivante :

« Dans le traité de Maastricht, l'UE fixe à 60 % du PIB la limite maximale du juste niveau de la bonne dette. »(p.163) ;

« Pour le FMI, par exemple, la bonne dette de l'emprunteur souverain ne doit pas dépasser la valeur actualisée des futurs surplus primaires de son budget (c'est-à-dire avant le paiement du service de la dette). »(p.164).

Voilà, on est au bout du raisonnement de l'économiste Attali : les normes du FMI ou du traité de Maastricht.

Quelle misère !

 

 

Dans le chapitre 8 titré "la France souveraine" (le cynisme de l'oligarchie et de ses sbires technocratiques est incommensurable), Jacques Attali, penseur fatigué mais clerc énergique, balance le programme politique que l'UMPPS (ou PSUMP, puisque c'est le même bonnet...) mettra en œuvre dans la prochaine décennie. Accrochez-vous ! C'est de l'économie-globish pure et dure :

  • coupes budgétaires draconiennes ;

  • hausse d'à peu près tous les impôts, y compris la TVA ;

  • redéfinir le modèle social : i.e. la mise en place d'un système mixte public/privé pour beaucoup de choses, y compris la Santé (ah ! Les assureurs seront enfin servis...).

 

Le conseilleur Attali ne s'arrête plus :

  • créer 3 structures comptables et administratives différentes (pour quels gains ? Fi ! des questions mesquines, monsieur, quand la France souveraine est en jeu, n'est-ce pas ?) ;

  • interdire tout déficit du Budget par une règle constitutionnelle (la fameuse "règle d'or" dont le Président ubiquiste Sarkozy de Nagy Bocsa vous abreuve en ce moment …) ;

  • la liste des investissements pour son "Fonds National de Réparation" et son "Fonds d'Investissement National" devra être stable, i.e. à l'abri des représentants du peuple (députés, sénateurs, etc.).

C'est fou comme ce néolibéral, ce nomade, ne rêve que d'un monde figé, notamment par la Loi.

La suite, c'est la fuite en avant habituelle des agitateurs doxiques : l'obligation européenne, l'esquisse d'un gouvernement mondial (in fine, la suprématie mondiale de l'oligarchie : une "vision" qui sera reprise dans son opus de 2011 titré « demain qui gouvernera le monde ? »).

 

 

Au bout de ce pensum, force est de constater que Jacques Attali est un brillant Panurge austère, qui voudrait nous réduire tous à son monde unidimensionnel, qui ne vise pas à l'universalité.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

 

 

Dette : ruine intellectuelle de Jacques Attali (I) ?

Publié le par Alexandre Anizy

 

Comme Alain Minc, un parangon de l'élite moisie, Jacques Attali possède son petit atelier de recherche, mais contrairement au premier, il sait remercier. Cette organisation lui permet un rythme quasi annuel de production, ce qui ne peut être compatible avec un bon niveau de qualité, notamment en économie. Nous allons le vérifier avec « Tous ruinés dans dix ans ? Dette publique : la dernière chance » (Fayard, mai 2010, 272 pages, 15,90 €).

 

L'introduction remplit son office, notamment quand elle plonge le lecteur dans la tourmente actuelle : « Même sans hausse des taux, les intérêts payés sur la dette publique par les pays riches feront plus que doubler entre 2007 et 2014. » (p.18) Toutes choses évoluant pareillement, ce qui nous attend sera pire, mais il n'est pas possible de dire quand le cataclysme surviendra ; cependant les économistes savent qu' « aucun ratio n'est pertinent pour prédire le déclenchement d'une crise, si ce n'est, peut-être, la part du service de la dette dans le budget : lorsqu'il atteint 50 % des recettes fiscales, le désastre est inévitable. » (p.20)

 

Les chapitres 1 et 2 racontent l'histoire de la dette à travers les âges : un survol intéressant, traité en 58 pages, qui nous éloignent de la question posée. Le chapitre 3 titré "le peuple souverain" réussit la gageure de parcourir le XXe siècle dans le monde en 17 pages, en picorant par-ci par-là des événements liés à la question des dettes.

Page 101, nous arrivons au sujet (chapitre 4 : le grand basculement) :

« Alors que le PIB américain a été multiplié par 8,75 en valeur nominale entre 1975 et 2007, la dette privée s'est trouvée multipliée par 20 et la dette publique par 3. Fin 2007, la dette totale des Américains (tous agents confondus) atteint 350 % du PIB, soit plus qu'en 1929. » (p.102)

Été 2008, la crise des subprimes met en péril le système bancaire : les États et les Banques Centrales évitent l'effondrement général soit en socialisant les pertes privées pour les uns, soit en créant de la monnaie pour les autres, soit les deux. Autrement dit, une boule de dette considérablement grossie poursuit sa descente infernale.

 

Ce qui est ahurissant dans ce livre ? L'économiste Jacques Attali ne s'interroge en aucune manière sur le financement exclusif de l’État par le Marché. Pire, il n'explique pas à ses lecteurs :

Le 22 décembre 1972, le "sinistre ministre"(sic) Valéry Giscard d'Estaing signe une loi qui interdit à l’État de créer de la monnaie pour financer sa dette ou ses investissements (Cf. article 25 de la "Loi de 1973"). Au cœur de l'euro et des traités européens, l'article 123 du traité de Lisbonne (anciennement 104 de celui de Maastricht) « qui interdit à la Banque Centrale Européenne comme à ses succursales nationales de prêter directement aux États et à leurs émanations ». http://www.alexandreanizy.com/article-nicolas-dupont-aignan-et-le-scandale-france-tresor-ii-72290174.html

 

Le chapitre 5 énumère les 12 leçons relatives à la dette souveraine, et cela commence mal puisque l'éminent conseiller écrit que

« la dette publique est une créance des générations actuelles sur les suivantes, lesquelles finissent toujours par la payer d'une façon ou une autre ».

En effet, lorsqu'il y a création d'une dette à un instant t, nous avons face à face 2 personnes (physiques ou morales), le débiteur et le créancier : primo, à l'instant t les générations futures sont absentes de facto ; secundo, toute dette suppose une créance d'une valeur égale ; tertio, les générations futures vont donc hériter de la dette et de la créance.

Le VRAI problème pour chaque génération futuresera de décider de la redistribution des ressources de la société entre ses membres : par exemple, si un gouvernement futur décide de taxer à 100 % tous les titres reçus en héritage, alors le fardeau disparaît complètement (extinction simultanée de la créance et de la dette). Si on entretient la confusion entre dette de la France et dette des administrations publiques, il est bon de rappeler qu'en 2007 c'est la France qui détenait une créance sur le reste du monde, de l'ordre de 10 % du PIB. Le chapitre 5 débute donc par une leçon fallacieuse.

 

Les autres leçons sont d'intérêts divers, relevant plus de l'approche comptable que de l'économique : d'abord, que la dette peut être très utile à la croissance ; qu' « en s'endettant, le souverain se met progressivement entre les mains des marchés » (p.118) ; que les déficits intérieurs et extérieurs sont très liés car

« un déficit de balance des paiements révèle donc qu'il a été nécessaire de faire rentrer des capitaux pour financer un déficit du secteur privé (cas de l'Espagne) ou un déficit du souverain (cas de la Grèce), voire les deux (cas des USA) » (p.119) ;

enfin qu'une dette est d'autant plus soutenable qu'elle est financée par l'épargne domestique, comme le montre le Japon où la dette publique est supérieure à 200 % du PIB !

 

 

Dans le chapitre 6, l'auteur déroule le scénario du pire, à savoir la ruine de tous. Pourquoi ? D'abord l'alourdissement de la dette souveraine qui devient un surendettement souverain (apprécions le glissement sémantique) : « En 2020, cette fois selon la Banque des Règlements Internationaux (BRI), la dette publique dépassera les 200 % du PIB en Grande-Bretagne, et les 150 % en Belgique, en France, en Irlande, en Grèce et en Italie. A taux d'intérêt constant, les charges d'intérêt représenteront alors 10 % du budget de ces États, jusqu'à 27 % pour le Royaume-Uni. » (p.142)

Le problème, c'est que tous ces chiffres avancés comme autant de signaux d'alarme avant la faillite générale voient leur soi-disant dangerosité réduite à néant par l'éminent conseilleur lui-même :

« Mais qu'est-ce qu'une augmentation "excessive"de la dette publique ? Nul ne le sait. » (p.157)

Et en premier lieu, les économistes.

 

Alors le brillant Jacques Attali prend le tonneau de la dette souveraine par les normes … (à suivre)

 

 

Alexandre Anizy

 

: ce choix politique aurait un inconvénient certain, à savoir la difficulté pour l’État de trouver des créanciers dans les générations futures, mais aussi des avantages.

 

 

Guillaume Duval un Alternatif doxique

Publié le par Alexandre Anizy

 

Le rédacteur en chef d'Alternatives économiques, le dénommé Guillaume Duval, vient de commettre un article que n'importe quel représentant de la pensée unique soutiendra : "pour l'euro, avant qu'il ne soit trop tard" (in Libération du 15 juillet, le journal de l'éleveur sarkozyen Edouard de Rothschild et du milliardaire philosophe Bernard-Henri Lévy, prétendument à gauche et normalisé par un petit Nicolas).

 

Comme toujours avec ces gens-là, on enquille les mêmes assertions que les faits ont démenties. Prenons deux exemples.

« En 1999, l'avènement de l'euro avait pourtant marqué une rupture décisive avec la conception libérale de l'Europe-marché : les Etats acceptaient - enfin - de se doter d'institutions communes fortes dans un domaine central (…). »

En quoi la création d'une monnaie et d'une banque centrale représenterait-elle une rupture avec le libéralisme ? Ce n'est pas le journaliste Duval qui perdra le lecteur dans les méandres d'une démonstration, puisqu'il n'y en a pas.

« On a aussi pu vérifier qu'avec l'euro l'Europe n'était pas devenue allemande (...) » La preuve selon lui ? « c'est le président de la Bundesbank qui a démissionné (...) »

Pour Guillaume Duval, une hirondelle qui part fait le printemps européen … Le niveau de la réflexion atteint des sommets, n'est-ce pas ?

NB : au passage, signalons l'emploi du procédé habituel des propagandistes fédéralistes (à savoir l'amalgame entre anti-euro, nationaliste, populiste, néofasciste), lorsque le rédacteur "alternatif" stigmatise les « adversaires [de l'Europe qui flattent] le chauvinisme supposé des Français » …

 

Pour rire d'une grenouille étrange qui ne joue pas dans sa catégorie, citons une autre affirmation pour une fois argumentée :

« (…) l'euro nous a apporté de nombreux bénéfices. Les taux d'intérêt ont été ramenés à des niveaux historiquement bas (...) » ;

Oui, mais comme le souligne aussitôt le journaliste :

« C'est d'ailleurs une part du problème d'aujourd'hui : ces taux étaient même trop bas (...) »

Mais monsieur Duval, si l'avantage est aussi un désavantage, où est le bénéfice ? En arithmétique, +1-1=0, n'est-ce pas ?

 

 

Contribuant à la saturation du bruit médiatique avec les penseurs doxiques, le pseudo alternatif mais vrai chef Guillaume serait-il un agent dormeur ?

 

Alexandre Anizy

 

Vers une restructuration de la dette grecque et le cas Daniel Cohen

Publié le par Alexandre Anizy

 

Il y a un an à peine le premier ministre grec lançait son appel à l'aide financière internationale, ce qui aboutit à une tutelle du pays par l'Union Européenne et le FMI, dont le grand objectif était de ne pas pénaliser les détenteurs privés de la dette (comprendre les banques) par une restructuration drastique. Des gens qui se prétendent sérieux (mais étaient-ils sincères ?) comptaient sur le remboursement des 340 Milliards d'euros de dette d'ici à 2013, après le renflouement de 110 Milliards, mais également sur le retour de la Grèce sur les marchés obligataires, alors que ce pays paie au jour d'aujourd'hui des taux d'intérêt de 18 % pour les prêts à 2 ans !

En vérité, l'échec de ce plan de sauvetage nous l'avions annoncé dès le 2 mai 2010 (tout en esquissant le schéma d'une autre politique de redressement). Lisez attentivement cette note :

http://www.alexandreanizy.com/article-une-autre-solution-pour-la-grece-suspendre-le-paiement-de-la-dette-publique-sortir-de-l-euro-relocaliser-le-financement-de-l-etat-49647294.html

 

La Grèce est donc déjà à nouveau incapable d'honorer sa dette, malgré la saignée infligée au corps social. Et pour y remédier, le sinistre Georges Papandréou prévoit un autre plan d'austérité accompagné d'une braderie des actifs de l'Etat. Cette fois-ci, la restructuration, bien que non sollicitée officiellement, est aussi à l'ordre du jour : elle est maintenant possible sans léser les créanciers privés, i.e. les banques (on y revient toujours …).

 

 

Alexandre Anizy

 

P-.S : il est intéressant de relire ce que l'économiste français Daniel Cohen, fort présent dans les médias en tant qu'expert, qui ne parle quasiment jamais de son deuxième job, senior adviserde la banque Lazard, disait dans les colonnes du JDD le 11 mai 2010 :

« En la sauvant, nous sauvons l'euro et l'Europe. » (sous-entendu "ça ou le chaos" : le système Monnet en action – lire les notes sur Nicolas Dupont-Aignan) ;

« La bonne analyse est celle de la faillite de Lehman ou de la faillite du Kreditanstalt en Autriche en mai 1931, un an et demi après le début de la crise de 1929. Leur abandon a conduit à une apocalypse financière. » Dont pourrait souffrir son autre employeur, la banque Lazard ?

La crise grecque, c'est aussi un brillant expert en capilotade …

 

 

Dettes publiques : l'Allemagne ne paie pas

Publié le par Alexandre Anizy

 

Au jour d'aujourd'hui, l'Allemagne dominatrice donne des leçons de rigueur financière à ses clients européens, impose son point de vue qui ne touche pas aux intérêts de ses banques. En prime, elle sert un discours dégoulinant de morale : est-elle bien placée pour le faire ?

 

En 1921, la Commission des réparations de guerre (1914-1918) estime le coût des destructions en France à 34 Milliards de francs-or :

Biens privés :

Industries et Mines …........................................ 6.825

Agriculture, Forêt, Chasse et Pêche ….................. 8.806

Propriété bâtie ….............................................. 7.262

Propriété mobilière …........................................ 5.216

Bâteaux et matériels des voies navigables …........ 28

Total …........................................... 28.137

Biens publics …................................................ 2.195

Dommages spéciaux …..................................... 695

Dommages maritimes ….................................... 2.262

Algérie, colonies, étranger ….............................. 702

Total …........................................... 33.997

(source : « Histoire économique de la France entre les 2 guerres » d'Alfred Sauvy, éditions André Sauret, 1973, Tome 1, page 20)

 

A ces dommages subis, il faut ajouter d'autres pertes :

Usure du patrimoine …....................................... 10.000

Créances sur l'étranger …................................... 8.000

Réduction du stock d'or …................................... 3.000

Total Général …................................. 55.000

(source : idem)

 

A quoi correspond ce montant pharamineux de 55 Milliards de francs-or ?

« 55 milliards représentent environ 15 mois de Revenu National de 1913. Si l'on estime à 5 milliards les investissements annuels d'avant-guerre, c'est cet enrichissement pendant 11 ans qui a été perdu. » (A. Sauvy, ibid., page 23) [c'est nous qui soulignons]

 

Or ces dettes de guerre ne seront pas payées. C'est ce que montre Alfred Sauvy dans le 1er chapitre du tome 2.

Le montant total des dommages est fixée à 138 Milliards de marks-or, dont 126 dus par l'Allemagne (le reste par l'Autriche, la Hongrie et la Bulgarie), ce qui représentent environ 2,5 ans de Revenu National allemand d'avant-guerre.

« Comparons maintenant cette somme aux dommages français de l'occupation allemande 1940-1944 : en 4 ans seulement, ils s'élèveront à 1.287 milliards de francs 1938, soit près de 4 années de Revenu National 1938. » (p.15)

Le chiffre demandé aux Allemands en 1921 n'est donc pas si exorbitant : pendant 30 ans, 14 % de la production de richesse.

Il est bon de rappeler ici que de 1871 à 1875, la France quant à elle a payé à l'Allemagne 5 Milliards, soit 3 mois du Revenu National français.

Comme l'Allemagne ne respecte pas l'échéancier fixé, le plan Dawes va diminuer la dette. (accord du 14 janvier 1925)

Revenu au pouvoir en 1926, Poincaré accepte une nouvelle révision (ce sera le plan Young) qui réduira encore la créance de la France (de 17 % sur le plan Dawes).

« La valeur actuelle des annuités Young au 1er septembre 1929 est estimée à 40 Milliards de marks (dont la moitié environ pour la France). » (p.29) [c'est nous qui soulignons]

 

Or, quel est le bilan des réparations payées (de novembre 1918 au 30 juin 1931) ?

« La France a donc reçu 9.580 millions de marks-or sur un total de 22.981 millions pour l'ensemble des puissances alliées et associées. » (p.33)

Soit 41,69 % : force est de constater que la France n'a pas su défendre au mieux ses intérêts.

Après le 15 décembre 1932 (non paiement de l'échéance de la dette américaine), ce n'est plus qu'un lent effilochage du dernier plan en vigueur (dévaluation du dollar, des autres monnaies, suspension de l'amortissement, etc.).

Au final, le montant initial n'a donc jamais été payé par l'Allemagne.

 

 

Prenons un autre exemple : la Grèce, aujourd'hui.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce pays a subi une occupation par l'Allemagne, l'Italie et la Bulgarie. Ces 2 derniers pays ont payé les réparations décidées par plusieurs conférences internationales. L'Allemagne, non.

Cette dette allemande à l'égard de la Grèce est estimée en valeurs actualisées entre 80 et 160 Milliards d'euros, soit entre 29 et 59 % de l'ensemble de la dette publique grecque (270 Mds €, selon Eurostat)

Lorsque la question des réparations lui est posée, le gouvernement allemand répond (au Journal Officiel de la République Fédérale) :

« 65 ans après la fin de la guerre et après plusieurs décennies d'une coopération paisible, (…) la question des réparations a perdu sa légitimité (…) En outre, le versement de réparations plus de 60 ans après la fin des conflits armés serait un cas exceptionnel et sans précédent dans la pratique du droit international. »

Avec la Grèce, si l'on est cynique, on peut dire que l'Allemagne a perfectionné sa méthode : ne rien payer pendant des décennies, puis décréter l'illégitimité d'une dette tout en faisant observer qu'une éventuelle réactivation serait contraire à la jurisprudence du droit international.

 

 

D'un point de vue historique, force est de constater que l'Allemagne, le pays qui veut saigner les pays débiteurs européens comme la Grèce, connaît très bien le phénomène du non paiement des dettes : un de ses comportements ataviques.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'économie vaut bien la médecine

Publié le par Alexandre Anizy

 

Depuis la dernière affaire de santé (il s'agit d'un médicament), il nous semble que les Français ont grosso modo compris le business, comme ils disent. Au cas où ce ne serait pas encore évident pour tout le monde, voici les vérifications élémentaires qu'il convient de faire avant d'entamer la lecture d'une étude scientifique :

qui est l'auteur, quelles sont ses occupations professionnelles annexes ?

L'étude est publiée sous quelle "enseigne", et qui les finance ?

Rappelons que tout ceci n'est absolument pas une spécificité française.

 

Fin janvier, grâce à un rapport du COE-Rexecode, la presse écrite (y compris le quotidien vespéral de référence qui n'en est plus une), les radios, les journaux télévisés martelaient cette fable : la France a un coût du travail supérieur à celui de l'Allemagne.

 

Le COE-Rexecode étant une officine du patronat, rien de surprenant à ce que la conclusion de l'étude soient "raccord" avec les mantras de la patronne du MEDEF, l'héritière Laurence Parisot.

 

Après deux jours de matraquage médiatique, des voix discordantes ont commencé à avoir accès aux mêmes médias, mais le feu était moins nourri, comme disent les publicitaires goguenards.

 

Enfin, pour ceux qui suivent ces choses-là, une réponse circonstanciée paraissait dans le Monde économique du 15 février sous la plume de l'économiste Philippe Askenazy.

Voici en résumé le détail de la "préparation COE-Rexecode" : prenez les chiffres des comptes nationaux pour comparer la productivité des travailleurs français et allemands ; mais pour les salaires et les coûts du travail, utilisez une autre source, l'enquête 2008 européenne sur le coût du travail, qui nécessite « un bricolage pour estimer le nombre d'heures travaillées dans l'Hexagone », car, quand les comptes nationaux disent que les Français travaillent plus que les Allemands, l'enquête affirme quant à elle un écart contraire de 10 % ; après le choix judicieux du chiffre européen, l'arithmétique est incontestable !

 

« Voilà comment on peut manipuler l'opinion publique », écrit Askenazy.

 

C'est pourquoi nous écrivons que l'économie vaut la médecine.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

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