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L'Europe est morte à Pristina en 1999 selon Jacques Hogard

Publié le par Alexandre Anizy

            Le témoignage titré L'Europe est morte à Pristina, que vient de publier le colonel Jacques Hogard [son grade au moment des faits] sur la guerre au Kosovo (printemps - été 1999), apportent quelques informations sur les agissements de nos "amis américains, britanniques et allemands" (Hugo & Cie, mai 2014, livrel à 7,49 €).

 

            A partir du 14 mars 1999, Jacques Hogard est un observateur de qualité puisqu'il est en première ligne :

« Mon groupement est constitué d'éléments d'élite de l'armée française, appartenant tous aux forces spéciales : parachutistes du 1er RPIMa, commandos Marine "Hubert" et "de Montfort", commandos parachutistes du CPA n° 10, et équipages avec leurs hélicoptères Puma, du DAOS et de l'ESH. »

Ces gens-là ne sont pas des enfants de choeur. Il constate alors vite :

« (...) malgré toutes les vertueuses protestations à l'époque de mon chef britannique, le brigadier [général de brigade, ndAA] Mason, que Britanniques, Américains et Allemands laissent au Kosovo lors du retrait de la Kosovo Verification Mission (KVM) le 20 mars un nombre important de leurs soi-disant "observateurs", afin de porter assistance aux rebelles albanais de l'UCK en grande difficulté face à l'armée serbe. »

Il dit aussi qu'à partir de 1996, les maffieux de l'UCK (« ... Agim et Ekrem Gashi, Xhavit Haliti, Sabit Gashi (futur "ministre" de la culture (!) du pseudo gouvernement d'Hashim Thaçi et proxénète notoire), etc. Ces parrains aux objectifs initiaux évidemment plus maffieux que politiques ...») commencent leur essor

« ... et d'instruire les premiers "combattants", sous l'égide du BND, les services spéciaux allemands. L'Allemagne, forte de ses succès de 1992 en Croatie et en Slovénie, cherche en effet par tous les moyens à affaiblir la Yougoslavie. Et puis, n'a-t-elle pas une forte tradition historique de soutien à la cause albanaise ? » [référence à la collaboration des Kosovars au régime nazi]

En une phrase, Hogard rappelle que l'Allemagne a assisté la Croatie et la Slovénie, notamment en les armant comme le relevait dès 1991 le général français Gallois. Mais en fait, dès 1979 l'Allemagne, avec à la tête du BND un Klaus Kinkel qui deviendra ministre des Affaires étrangères en 1993, active les nationalistes croates de l'intérieur et de l'extérieur.

 

            Autrement dit, et pour aller à l'essentiel du propos de Jacques Hogard, la négociation de paix à Rambouillet fut pire qu'une fumisterie, un traquenard pour justifier la guerre contre la Serbie, comme nous l'avions déjà vu, notamment avec Stanko Cerović (Dans les griffes des humanistes, Climats, janvier 2001, 317 pages, 21,34 €) :

            http://www.alexandreanizy.com/categorie-1215229.html   (2008)

            (concernant l'Ukraine de 2014, lire la conclusion prémonitoire de cet article)

 

            Nous comprenons l'amertume du soldat Hogard, mais il se trompe quand il pense que l'Europe est morte à Pristina en 1999. L'idéal européen est mort en 1991 lorsque l'éclatement de la Yougoslavie a commencé sous la poussée germanique et américaine. Il n'y a que le francisquain Mitterrand, un vieux monsieur malade ivre du pouvoir et du luxe de la monarchie républicaine, pour ne pas l'avoir compris ou l'avoir sciemment ignoré en misant sur la fuite en avant de l'euro, que l'Allemagne a retournée à son avantage. C'est ce que nous écrivions déjà en décembre 2007 :

            http://www.alexandreanizy.com/article-14316222.html  

 

 

Alexandre Anizy

 

La confrérie de Jerusalmy

Publié le par Alexandre Anizy

            Après une vie militaire bien remplie, Raphaël Jerusalmy se lance dans d'autres activités, dont le commerce de livres anciens. C'est sans doute à cause de cette affaire qu'il eut l'idée de son deuxième roman titré La confrérie des chasseurs de livres (Actes Sud, août 2013, 316 pages, 21 €).

 

            Dans ce roman d'aventures, Jerusalmy plonge le poète François Villon dans une aventure abracadabrantesque. C'est pourquoi, malgré un style et un canevas irréprochables, on ne parvient pas à le prendre au sérieux. Dommage pour Villon !

 

 

Alexandre Anizy

 

A la découverte d'Emile Moselly

Publié le par Alexandre Anizy

            En 1907, Emile Moselly publiait Jean des Brebis ou Le livre de la misère (en livrel gratuit d'excellente facture chez Bibebook), un recueil de six nouvelles relatant les conditions de vie du bon peuple de France.

 

            Jean des Brebis dépeint un moment de l'existence d'un pâtre lorrain :

« Cette année-là, la fête du Comice agricole devait se célébrer à Sexey-aux-Groseilles et le paisible village était en révolution.

C'était un grand honneur pour le petit bourg, joliment situé au bord de la Meuse claire, au bas d'un coteau planté de vignes, parmi les prairies dont le velours tendre s'étendait sans un pli au fond de la vallée. »

Le village est en effervescence, et Moselly de ramener le lecteur à la réalité sociale par une description sans fioritures mais de haute tenue littéraire  :

« Et de temps en temps arrivaient aussi des chariots remplis de paille, descendus des plateaux lorrains où le sol est maigre, où la vie est chétive et misérable. Revêtus d'une couche de boue desséchée, ceux-là étaient traînés par de pauvres haridelles, des bidets au poil jaune et hérissé, où n'avait jamais passé la tondeuse, et qui avaient l'air, sous leur rude toison, de chevaux cosaques. Les harnais étaient rafistolés tant bien que mal avec des bouts de ficelle, et les paysans qui les conduisaient étaient rudes et pauvres, vêtus de coutil mince à bon marché, et leurs cheveux blonds, décolorés comme une filasse, leurs barbes rudes, le poil boueux des chevaux, tout cela avait la même teinte misérable et terne, la teinte des chaumes détrempés par la pluie, dont la fuite monotone emplit l'immensité des champs, par les soirs d'automne humides et frissonnants, alors que de longues flaques d'eau s'allument vaguement au creux des sillons d'argile. »

Le pâtre intelligent, que la nature n'a pas physiquement gâté, a contribué à l'élection du député Arsène Mitouret (longtemps vétérinaire) en faisant campagne pour lui. Il va découvrir l'ingratitude et le mépris de classe.

« Enfin, il venait, LUI, le député, l'Arsène Mitouret, comme on chuchotait dans la foule : un bel homme, très jeune, qui portait beau, avec une belle barbe blonde qui enveloppait son visage d'un nuage doré. Le plastron largement échancré de son gilet laissait voir la chemise de lingerie fine magnifiquement barrée par un ruban tricolore.»

L'Arsène, ce gentleman bonimenteur, fait son discours de comices, déjà en vue des prochaines échéances électorales, tenant « haut et ferme le drapeau des revendications agricoles ». L'Arsène, il nous rappelle le culbuto molletiste Hollande lorsqu'il ciblait son adversaire (« la Finance ! », vous souvenez-vous ?) dans un spectacle ignominieux.

 

            Nous vous invitons à découvrir Emile Moselly et la chute de son histoire.

 

 

Alexandre Anizy

La reprise de Maurice Genevoix

Publié le par Alexandre Anizy

            Bientôt sur les tables des librairies, les ouvrages de Maurice Genevoix vont réapparaître, puisque nous allons commémorer le centenaire du commencement de la Grande Boucherie de 14-18. Nous espérons que les éditeurs auront le bon goût de promouvoir ses romans et récits de la Loire (1), ne serait-ce qu'en format livrel comme l'est déjà Raboliot ?

 

            Longtemps nous nous sommes tenus à l'écart de cet académicien qui fut secrétaire perpétuel de la respectable institution, quand nous n'étions qu'un jouvenceau ruant dans la naphtaline ! Le temps ayant fait son œuvre, il nous plaît aujourd'hui de souligner ce talent-là.

 

            Faisons simple en citant l'incipit de Raboliot :

            « Depuis la veille, l'œillard de l'étang, grand ouvert, tirait : cela faisait à la surface de l'eau un entonnoir aux parois luisantes, un tourbillon tranquille et fort, si continûment régulier qu'il apparaissait immobile. Mais, par instant, quelque feuille morte, quelque brindille de jonc flottante, aspirée d'un attrait invincible, accélérait son glissement peu à peu, et, basculant soudain, s'engouffrait en chute vertigineuse. »

 

            Bon Dieu quel style ! Et tout à l'avenant ! Alors, ne boudez pas ce plaisir.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) Rassemblés dans la collection Omnibus, 1184 pages, 25 €.

 

La noche de los tiempos de Muňoz Molina

Publié le par Alexandre Anizy

            Pour parler de 36, Antonio Muňoz Molina a décidé en 2012 de le faire de manière consensuelle (1) : "tous des salauds". Ce n'est donc pas avec lui que vous comprendrez la guerre civile espagnole, ce qui ne veut pas dire qu'il faille négliger les informations du terrain (comme dirait un reporteur intrépide et consciencieux) dont il use pour planter le décor de son roman Dans la grande nuit des temps (poche Points, 1006 pages, 9 €). Par exemple, il montre une face croquignole du poète Rafael Alberti dans Madrid bombardé.

            Mais ce livre est avant tout une histoire d'amour.

 

            Plus précisément, il narre le coup de foudre entre un bourgeois établi de 48 ans et une jeune Américaine en voyage. Une sorte de rééducation sentimentale et sexuelle pour un Espagnol déboussolé dans son univers en branle. Si le texte n'est pas exempt d'enflure, il ne sombre ni dans la banalité des scènes, ni dans la médiocrité du style. Mais pour nous, ce qui en fait une œuvre de qualité, c'est son architectonique.

 

            Voilà un livre de plage idéal !

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) : être dans le consensus semble un parti pris de Muňoz Molina, si on se réfère à une tribune européiste que Libération (le futur outil de négociation commerciale d'un capitaliste sans patrie fiscale) n'a pas manqué de publier le 15 mai 2014.

 

Le miel de Slobodan Despot

Publié le par Alexandre Anizy

            On ne trouve pas Le miel que dans les bonnes librairies, c'est à dire celles qui ne pratiquent pas que la manutention d'offices : c'est à la bibliothèque municipale Rainer Maria Rilke que nous sommes tombés sur le premier roman de Slobodan Despot (Gallimard, janvier 2014, 127 pages, 13,90 €). Un titre de gourmandise par un intellectuel chevronné et médiatique, un parcours rapide de la quatrième de couverture, ce sont deux choses qui provoquent le stimulus du lecteur en quête. Alors bingo !

 

            Le dimanche suivant l'emprunt, nous lisons sans déplaisir en moins de deux heures. Dieu merci, le partisan Despot nous épargne le manichéisme imbécile, du genre les Serbes sont des salauds et les Croates des enfants de choeur, ou vice versa. Mais quelle déception littéraire !

            En effet, le jeune romancier Despot a voulu compliquer le récit principal en ajoutant le personnage de Véra qui, en soi, serait porteuse d'une autre histoire ... dont il n'est évidemment pas question dans Le miel. Du coup, la complexité devient brouillon.

 

            Ce défaut de construction pour cause d'ambition mal placée ne doit pas vous empêcher de découvrir les premiers pas en fiction d'un intellectuel intéressant, parce que de cette ébauche vous tirerez quelques enseignements.   

 

 

Alexandre Anizy

 

La rancune de l'affligeant Liêm Hoang-Ngoc

Publié le par Alexandre Anizy

            Rejeté de la liste socialiste des Européennes, l'eurodéputé sortant Liêm Hoang-Ngoc a décidé de créer un "club des socialistes affligés" : ce sera son ticket d'entrée dans l'espace médiatique, en plus de sa casquette d'économiste keynésien. La démarche serait estimable, si on n'ignorait pas le passé du triste sire (1).

 

            En effet, tant qu'il était eurodéputé, ce keynésien-là s'exprimait peu dans les médias, et en tout cas sans la pugnacité fortement inspirée de la rancune d'aujourd'hui : lire nos billets de 2009 et 2012 ci-dessous.

http://www.alexandreanizy.com/article-32658578.html

et

http://www.alexandreanizy.com/article-l-economiste-absent-liem-hoang-ngoc-et-la-duperie-de-hollande-112636624.html

 

            Avant d'être affligé, Liêm Hoang-Ngoc est surtout affligeant pour tous ceux qui pensent que l'homme politique doit défendre l'intérêt général plutôt que de quérir un fauteuil bien rémunéré.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

(1) Dans le même registre, nous mettons la désormais sénatrice Marie-Noëlle Lieneman, comme exemple de la version "gauche de gauche" de ce parti radical-cassoulet. Lire notre billet du 17 juin 2009 ci-dessous.

http://www.alexandreanizy.com/article-32748665.html

L'art de la Blitzverkauft de Patrick Kron

Publié le par Alexandre Anizy

            Le Pdg d'Alstom Patrick Kron a mené dans le plus grand secret des discussions avec General Electric, si on donne un peu de crédit au ministre Arnaud Montebourg. Puis il a attisé les feux, pour que l'offre de GE demeurât la seule complète au moment d'un vote précipité du conseil d'administration : l'art de la Blitzverkauf. N'est-ce pas la règle dans la nouvelle grammaire des affaires au temps de la mondialisation ? 

 

            Sitôt le dépeçage d'Alstom  bien accroché, Kron a lancé la phase personnelle de son programme : un plan de communication à faire pâlir d'envie le moindre des perdreaux du global business. Nous ne vous renverrons évidemment pas au magazine populiste dirigé par un fils à maman, puisque l'article affiche un surdosage de cirage : "Comme tous les grands fauves", "c'est un combattant", "il a la peau dure", "il n'a peur de rien", "la tête haute dans l'adversité", etc.  Forcément, dans les 4 pages dithyrambiques, le journaleux n'a pas oublié le petit paragraphe modérateur, histoire d'avoir sa conscience professionnelle toujours en bandoulière : "il est assez agressif et a un don pour se fâcher avec eux. Le client est roi partout, mais pas chez Alstom. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles la société va si mal...". En effet. Mais parlons franchement : ce média peut-il éclairer les lecteurs alors qu'il est dans le FOG ?

 

            Alors, que pensons-nous de ce Kron patron ? Lorsqu'il prend la tête d'Alstom en 2003, le ministre Sarkozy de Nagy Bocsa décide d'intervenir en apportant l'argent des contribuables dans les caisses de l'entreprise. Un grand bol de cash !  Ce qui donna du temps à Patrick Kron pour restructurer le mastodonte. Ni plus, ni moins. Et aujourd'hui, Alstom a de nouveau un besoin impératif de capital. L'histoire se répète donc, mais entre temps, d'aucuns auront pris leurs bénéfices.

 

            Dans cette Blitzverkauft, nous posons la question que personne n'aborde malgré la nouvelle grammaire des affaires au temps de la mondialisation, que 2 exemples édifiants viennent étayer (vente de SFR à Numéricable en 2014 : Jean-René Fourtou aura une fonction correctement rémunérée dans la future structure ; vente de GDF à SUEZ : la rémunération totale Jean-François Cirelli a presque triplé en 2008 (1) pour cause de réalignement sur celles de Suez). Quel pourrait être le bonus - comme ils disent - pour Patrick Kron dans la vente à General Electric ?  

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) CGT.fr du jeudi 9 avril 2009

 

 

Premier amour de Tourgueniev

Publié le par Alexandre Anizy

        Après la rudesse du monde sans pitié de César Fauxbras, il n'est pas interdit de pénétrer dans un autre milieu pour un thème universel (quid novi ? l'amour), surtout quand Tourgueniev tient la plume.

        Pour faire connaissance avec cet écrivain russe, pourquoi pas une longue nouvelle, Premier amour (livrel gratuit), puisque l'auteur y décrit avec beaucoup de subtilité les affres d'un jouvenceau ? Il ne fait pas de doute que vous apprécierez le style limpide et la concision du propos.

 

 

Alexandre Anizy 

Viande à brûler. Journal d'un chômeur de César Fauxbras

Publié le par Alexandre Anizy

 

Un éditeur au fait de la misère sociale en développement accéléré a eu la bonne idée d'aller fouiner du côté des années trente pour y repêcher un auteur oublié, César Fauxbras, qui était en ballotage au Goncourt de 1935 avec son roman Viande à brûler. Journal d'un chômeur (éditions Allia, mars 2014, livrel à 4,49 € ).

 

Dans ce livre, l'auteur raconte sans fioritures la chute sociale d'un jeune fondé de pouvoir, qu'il fait vivre auprès d'autres chômeurs nécessiteux. L'histoire est bien rythmée, le style en adéquation avec le milieu qu'il dépeint. Par exemple :

« Sans cesser de maugréer, il remplit une formule que je portai au commissariat, pour légalisation. De là, je me rendis au Service du Chômage, qui fonctionne dans une annexe de la mairie. C'est une espèce de hangar, coupé par une cloison longitudinale afin que les serviettes et les torchons, je veux dire les bureaucrates et les chômeurs, ne se mélangent pas. (...) J'appris ainsi qu'un chômeur ne mérite pas plus d'égards qu'un apache. » ( p.4 et 6 )

Si le traitement social du chômage (une expression horrible des technocrates qui gouvernent) a changé depuis les années 30, la dèche est redevenue une situation permanente pour un bon nombre de (non)travailleurs. Tina serait plutôt Tini.

 

César Fauxbras montre les difficultés ordinaires et les affres des déclassés. Il faut croire qu'au fond, rien ici, non, rien n'a changé.

 

 

Alexandre Anizy