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Les dernières heures du libéralisme selon Christian CHAVAGNEUX (V)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite aux notes économiques du 17, 18, 22 et 23 septembre 2008)

 

Diminution des risques financiers et crises moins fréquentes

 

Pour les apôtres du libéralisme, plus il y a d’acteurs sur les marchés, plus il y a d’échanges de titres variés, mieux les risques seront répartis. L’innovation financière a été poussée tellement loin que certains n’hésitent plus à comparer les marchés financiers à une salade niçoise … qui se transforme en mélasse comme aujourd’hui.

 

Dans le rapport annuel 2006 de la Banque des Règlements Internationaux (BRI, le club des banquiers centraux) en charge du bon fonctionnement du marché en quelque sorte, il est écrit que « compte tenu de la complexité de la situation et des limites de nos connaissances, il est extrêmement difficile de formuler des prévisions (…), les crises financières des dernières décennies ont, le plus souvent, eu pour origine un évènement presque entièrement inattendu. » (cité p.64)

Dit autrement : les produits financiers sont si sophistiqués, les volumes si importants de même que leur croissance, notre maîtrise du véhicule financier en excès de vitesse si faible, que nous sommes incapables de prévoir quand et où la crise explosera, mais nous savons que ses effets négatifs seront dommageables à la croissance et l’emploi.

 

Lorsque Christian CHAVAGNEUX publie son livre en février 2007, certains experts ont déjà dit des choses intéressantes concernant la crise qui va venir en juillet 2007. Pour Garry J. SCHINASI (économiste du FMI), « les produits dérivés lient les institutions financières dans un réseau d’exposition aux risques, dont l’amplitude est à la fois forte, volatile et mal comprise aussi bien par les autorités publiques que par les acteurs financiers eux-mêmes. Ils sont susceptibles de provoquer des crises financières dont les conséquences sur la croissance mondiale seraient aussi fortes que celles provoquées par des paniques financières et des crises bancaires. » (p.69)

Warren BUFFET quant à lui, vieux briscard de la finance, est on ne peut plus explicite lorsqu’il affirmait que les dérivés de crédit sont des Armes financières de Destruction Massive !

 

Chez Goldman Sachs, l’état major a suivi l’analyse de Warren BUFFET ou compris l’état d’éruption imminente du volcan financier, et ils en ont tiré au début de 2007 une conséquence pratique : miser sur la faillite des « subprimes ». Durant l’été 2007, Goldman Sachs touchait le jackpot.

Dimanche 21 septembre 2008 : Goldman Sachs, ainsi que Morgan Stanley (i.e. les 2 dernières grandes banques d’affaires américaines), ont annoncé leur intention de devenir des holdings bancaires ; elles sortiront du périmètre de contrôle de la SEC (organisme de surveillance des marchés boursiers) pour passer dans celui de la FED et de l’ « Office of the Comptroller of the Currency » (OCC) dépendant du Trésor. Quel est l’intérêt de ce changement brusque ? Pouvoir bénéficier du guichet ouvert (le fameux plan de sauvetage de 700 Milliards de dollars) par l’Etat pour les institutions financières nécessiteuses, car le marché ne croyait pas trop à leur ratio de solvabilité qui ne cadrait pas avec leur niveau d’engagement estimé (leurs dettes représenteraient 30 fois leurs capitaux). Même si cette décision stratégique semble avoir été prise sous la pression du marché, soulignons ici l’ « animal spirit » des dirigeants de ces 2 sociétés. Ce changement radical suffira-t-il pour échapper à la tourmente ? C’est une autre histoire. A New-York, une page vient d’être tournée.

 

Face aux perdants, vous trouvez nécessairement des gagnants (provisoires). Et la « main invisible » n’y est pour rien. La finance internationale est devenue une zone de non-régulation de l’économie mondiale, comme l’a exprimé Susan STRANGE. (citée p.70)

 

Alexandre Anizy


Les dernières heures du libéralisme selon Christian CHAVAGNEUX (IV)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite aux notes économiques du 17, 18, 22 septembre 2008)

 

Retour à l’autonomie des politiques monétaires nationales

 

Dans un monde libéral où la finance est libre, les banques centrales n’ont pas à s’occuper des taux de change (remarquez que c’est le discours officiel de la BCE entériné par le Traité de Maastricht) puisqu’ils fluctuent … et finissent toujours au niveau optimal assurant l’harmonie économique.

 

Mais dans le monde réel, le poids de l’économie dominante est déterminant et sa politique monétaire influence celles des autres pays.

En 2002, Alan GREENSPAN (le patron de la Fed) a confirmé la position théorique des Etats-Unis : une Banque Centrale ne doit pas intervenir sur le marché des changes.

En 2006, un type a formalisé une autre politique monétaire : il s’appelait William WHITE, chef du département économique et monétaire de la Banque des Règlements Internationaux (BRI), i.e. le club des banquiers centraux. Que dit ce monsieur ? La non-intervention et le laxisme conduisent à des crises répétées, à des bulles spéculatives qui explosent tôt ou tard ; il faut intervenir dès que la croissance du crédit s’emballe et finance soit une augmentation du prix des actifs soit une consommation excessive …

Pour résumer le propos, disons qu’un financier libéral adepte d’une saine gestion doit appliquer une gestion préventive dont la politique monétaire est systématiquement néfaste pour la croissance et l’emploi.

(Sur ces questions monétaires, lire nos notes économiques « les archaïques des banques centrales I à VIII »)

 

 

Epargne mondiale répartie harmonieusement, ce qui favoriserait la croissance et le développement du Sud 

 

La libre circulation des capitaux allait permettre d’optimiser l’allocation des fonds pour le plus grand bénéfice de la population mondiale. Une « main invisible » répartirait l’épargne disponible au mieux des intérêts de la croissance.

 

Dans le monde réel, les choses se sont passées autrement.

 

Les Etats-Unis accaparent les 2/3 de l’épargne internationale pour pallier leur manque interne. D’où vient l’argent ? Des pays émergents qui ont des taux d’épargne domestique très élevés, de l’ordre de 25 – 30 %, contre environ 15 % aux Etats-Unis et 20 % en Europe.

Mais que font-ils de leur épargne colossale, les pays émergents ? Ils remboursent leurs crédits notamment ceux provenant de l’aide au développement et ils accumulent des réserves (au total, 3.000 Milliards de dollars) qu’ils placent dans les pays riches …

En définitive, les pays pauvres contribuent au financement des pays riches.

 

Alexandre Anizy

 

Les dernières heures du libéralisme selon Christian CHAVAGNEUX (III)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite aux notes économiques du 17 et 18 septembre 2008)

Par les temps qui courent, il est opportun de poser la question’ de l'utilité de la libéralisation financière.

 

Christian CHAVAGNEUX cite d’emblée Kenneth ROGOFF (économiste en chef du FMI) : « (…) il n’y a aucun élément « pour soutenir l’argument théorique selon lequel la mondialisation financière per se permet d’obtenir des taux de croissance plus élevés » (p.51) Raghuram RAJAN (autre économiste en chef du FMI) déclarait en août 2006 : « Les pays en développement qui ont relativement plus recours aux capitaux étrangers n’ont pas crû plus vite sur le long terme et même crû moins vite ». (p.52) Et il ajoutait que les pays en développement exportent plus de capitaux vers le Nord qu’ils n’en reçoivent du Nord. » (p.52)

 

Les apôtres du libéralisme financier avaient promis monts et merveilles :

  • Suppression des déséquilibres des échanges extérieurs et fin des mouvements erratiques des taux de change ;
  • Retour à l’autonomie des politiques monétaires nationales ;
  • Epargne mondiale répartie harmonieusement, ce qui favoriserait la croissance et le développement du Sud ;
  • Diminution des risques financiers et crises moins fréquentes.

 

suppression des déséquilibres des échanges extérieurs et fin des mouvements erratiques des taux de change

 

Les échanges extérieurs des Etats-Unis, hormis quelques années, ont été dans le rouge durant ces dernières décennies. Le Japon, l’Allemagne et la Chine, sont structurellement excédentaires. Aucun mécanisme n’est venu résoudre les déséquilibres extérieurs, et par conséquent les mouvements erratiques des taux de change n’ont pas cessé puisque les variations correctrices n’ont pas eu lieu, et elles ne viendront pas parce que « le commerce international des biens et services ne représente plus que quelques pour-cent des transactions sur le marché des changes qui servent à des opérations purement financière n’ayant plus grand-chose à voir avec l’économie réelle et la résorption des déséquilibres extérieurs. » (p.55)

 

Alexandre Anizy

La réserve de Russel BANKS

Publié le par Alexandre Anizy

Le début du roman « la Réserve » (Actes Sud, mars 2008, 380 p., 23 €) est laborieux : nous faillîmes renoncer. Et puis le chapitre 2 réveilla notre curiosité, ce qui nous amena à la dernière phrase.

« Dès six heures, bien avant que le reste de sa famille ne fût réveillé, Jordan Groves sortit de son lit. Il se rasa, revêtit sa tenue de travail – un sweat-shirt et une salopette assez ample, maculée de peinture -, puis il descendit le grand escalier de devant pour se rendre dans le séjour. Il alla dans la cuisine, fit sortir les chiens et rentrer les chats. Le plus souvent, il emportait directement dans son atelier un morceau de fromage avec du pain, puis se préparait une pleine cafetière de café et restait assis pendant plus d’une heure à contempler son tableau de la veille avant de s’y atteler. » (p.51)

Russel BANKS est un bon écrivain et « la Réserve » est un bon livre.

 

Néanmoins, nous critiquerons les insertions : comme elles sont très courtes, elles n’apportent rien à la structure et elles n’intéressent pas vraiment le lecteur. Le procédé agace plus qu’autre chose.

 

Nous convenons qu’il s’agit d’un défaut infime qui, s’il n’était que comparé aux monstruosités de cette rentrée littéraire, ne mériterait pas ce commentaire. Mais puisqu’il s’agit de Russel BANKS, il atténue notre satisfaction.

 

Alexandre Anizy

Crise : écouter plutôt ATTALI que STRAUSS-KAHN

Publié le par Alexandre Anizy

Libération a présenté un article sur ceux qui n’ont pas vu venir la crise : Dominique STRAUSS-KAHN, patron du FMI, en fait partie. Pourtant, il vit en Amérique et travaille au sein d’une institution lui donnant la possibilité d’être bien informé. Mais que dalle !

 

Par contre, depuis le début (voir notre note économique du 17 janvier 2008), Jacques ATTALI semble estimer correctement l’ampleur des dégâts et prévoir les prochains développements. Ainsi, après les banques, les assurances et l’immobilier, les collectivités locales, « dont un tiers des dettes sont du subprime », seront touchées. Il cite aussi l’Etat d’Islande comme étant menacé.

 

Concernant la croissance en France, ATTALI estime qu’elle sera nulle en 2009 et 2010.

 

Sur le plan international, il voit 3 types de risques : la dénonciation de complots, une grande inflation (pour effacer les dettes), « les tensions militaires pour contraindre les gens à accepter plus d’austérité et d’impôts ».

 

L’avenir proche ne sera pas folichon.

 

Alexandre Anizy

De la crise au Far Wall

Publié le par Alexandre Anizy

Aujourd’hui, quelques nouvelles du front financier.

 

Pour Lehman Brothers, nous ne fûmes point surpris, puisque nous avions annoncé la future débâcle dans notre note économique du 9 septembre (pour « l’aléa moral » de cette liquidation, lire la dernière phrase de notre note du 15 juillet).

 

Pour Fannie Mae et Freddie Mac, nous n’avons pas non plus été surpris par l’action des autorités pour les sauver (voir notre note du 15 juillet). Mais nous ignorions des détails. Sur les titres de ces 2 sociétés, des acteurs financiers avaient pris des « positions courtes ». Le Trésor américain a attendu qu’ils empochent leurs gains avant d’intervenir, puisqu’il le fallait : au lieu d’une opération printanière à 100 milliards de dollars, les contribuables vont débourser 400 à 500 milliards. La différence est passée chez Goldman Sachs et les fonds spéculatifs.

 

Officiellement, AIG (l’assureur qui vient d’être nationalisé au pays de la libre entreprise) aurait perdu 30 milliards de dollars en un an, mais curieusement il reçoit sur injonction du Trésor 95 milliards.

Que pense immédiatement la faune financière ? Les pertes réelles sont plus importantes, donc de mauvaises nouvelles vont suivre.

 

A Wall Street, plus personne ne croit à la fiabilité des annonces concernant les dépréciations d’actifs, notamment parce que la valeur des portefeuilles des banques d’affaires est virtuelle sur une partie, du fait de l’impossibilité de donner un prix de référence pour chaque item.

 

 

Cependant, malgré les interventions des autorités américaines, il est absurde de parler d’un retour de l’Etat aux Etats-Unis.

Comme le dit Jacques GéNéREUX : « Les Etats-Unis sont depuis longtemps schizophrènes : très libéraux en microéconomie (entreprises, marchés) et très keynésiens en macroéconomie (politique économique). » Le poids de l’Etat n’a pas cessé d’augmenter, mais « ce n’est plus un Etat-providence qui redistribue, c’est un Etat privatisé, au service des marchés, des profits ».

 

Alexandre Anizy

Les dernières heures du libéralisme selon Christian CHAVAGNEUX (II)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite de notre note économique du 17 septembre 2008)

Les libéraux n’ont-ils pas voulu trop en faire dans leur destruction des freins au libre échange généralisé ? L’ancêtre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) s’appelait le GATT, et il avait un objectif modeste : limiter les pratiques discriminatoires. « Avec l’OMC [1995], l’appétit des libéraux a grandi. Ils ont cherché à y fixer les règles du jeu, non seulement aux frontières des Etats mais à l’intérieur même des pays (…). » (Christian CHAVAGNEUX, « les dernières heures du libéralisme », éditions Perrin, 179 pages, 13,50 €, p.30) Faire passer, en moyenne, de 40 % à moins de 5 % les tarifs douaniers ne leur suffisait pas.

 

Il est vrai que tout système a sa logique : pour le libéralisme, une fois admis le principe de la « vérité des prix » par l’élimination des subventions à l’exportation, pourquoi ne pas s’attaquer aux subventions internes ? Comme l’a montré l’économiste Jean COUSSY, nous sommes face à une logique d’engrenage : après la liberté de commercer, c’est au tour de celle d’investir là où bon vous emble, et pour ce faire, la liberté des banques doit être assurée, etc.

 

 

C’est l’Afrique du Sud, confrontée au désastre provoqué par le sida, qui ose la première s’opposer à l’emprise des multinationales pharmaceutiques : ils copient les molécules brevetées par les grands laboratoires pour offrir des traitements à faible prix, ce que les grandes firmes refusaient de faire. Puis ce sera le Brésil qui s’attaquera aux mêmes grands laboratoires pharmaceutiques et qui gagnera avec l’aide inattendue du Président BUSH qui, à cause de l’affaire de l’anthrax, imposera à BAYER la levée immédiate de son brevet sur un médicament luttant contre la maladie du charbon.

 

Depuis 1995, les règles du commerce mondial sont en fait issues plus largement des Traités bilatéraux (environ 300 en 2007 ; peut-être 400 en 2010 !). « Les Etats-Unis, sous la présidence BUSH, et les pays asiatiques ont été les fers de lance de cette évolution. » (p.35)

Par dogmatisme, comme toujours, l’Union Européenne refusait ce type de négociation, jusqu’à l’été 2006.

 

Il est vrai que les Traités bilatéraux présentent bien des défauts pour un libéral pur et dur : c’est par définition l’abandon du multilatéralisme ; c’est aussi l’instauration flagrante du rapport de force dans les négociations ; c’est enfin la propagation rapide des Traités (en vertu du principe qu’un Traité signé entre 2 pays en appelle immédiatement d’autres avec des pays différents qui veulent l’alignement sur les nouvelles règles). Les Traités bilatéraux constituent in fine une nouvelle forme de protectionnisme, à l’avantage de la puissance économique dominante (les Etats-Unis) et les premiers entrants. L’Union Européenne, par son dogmatisme souligné ci-dessus, s’est tirée une balle dans le pied dans la course aux parts de marché.

 

Il existe un organisme pour régler les différends : l’ORD. « [Il] a imposé la règle de la libre circulation des OGM, contre le droit d’un autre traité et en dépit du fait que les consommateurs européens expriment régulièrement leur hostilité à l’introduction de ce type de produits dans leur alimentation. » (p.48)

Pour ces juges, le principe c’est la libre circulation : tout le reste n’est que roupie de sansonnet, aussi bien la volonté des peuples que le principe de précaution. Avec de telles décisions, il est évident que le compte ne peut pas y être.

 

Le libéralisme a progressé à l’échelle mondiale grâce à une institution, l’OMC, dont l’avenir est maintenant incertain, puisque le libre échangisme est dans l’impasse.

 

Alexandre Anizy

Les dernières heures du libéralisme selon Christian CHAVAGNEUX (I)

Publié le par Alexandre Anizy

En février 2007, Christian CHAVAGNEUX était rédacteur en chef adjoint du mensuel Alternatives économiques, de la revue l’économie politique, mais aussi chercheur. Il publiait ce mois-là « les dernières heures du libéralisme » (éditions Perrin, 179 pages, 13,50 €), que nous allons présenter en quelques notes.

 

Dans une 1ère partie intitulée « une mondialisation de moins en moins libérale », Christian CHAVAGNEUX montre tout d’abord que la machine s’est grippée. Au sein de l’OMC, le cycle de Doha, qui vise à libéraliser encore plus les échanges, était bloqué en 2007, et il vient de connaître un nouvel échec retentissant durant l’été 2008. Pour vendre le processus en 2001, les organismes internationaux comme la Banque Mondiale chiffraient un gain possible du revenu mondial de 832 Milliards de dollars en 2015, mais le gain potentiel n’était plus que de 96 Milliards en 2005, soit 8,6 fois moins dans le cas du scénario de libéralisation totale des échanges, ou 5,4 fois moins dans le cas d’un scénario limité au périmètre de Doha.

La production de chiffres aussi fantaisistes est-elle digne d’experts bien payés pour lutter contre la pauvreté ?

 

Pire que ça : les économistes tenants de la théorie dominante qui professent que tout le monde est gagnant à l’ouverture des frontières se mettent à douter sérieusement, comme le célèbre Paul SAMUELSON qui publia en 2004 un article théorique sur le sujet, dans lequel il élabore un 3ème scénario où le pays émergent devient aussi très efficace dans la production des biens qu’il achetait au pays riche, et dans ce cas-là il n’y a plus de gains réciproques à l’échange.

Ce 3ème scénario est-il réaliste ? Evidemment oui, répond SAMUELSON qui prend pour exemple « l’hégémonie de l’industrie victorienne (…) mise en cause par l’irruption des entrepreneurs yankee après 1850 ». Aujourd’hui, chacun comprend bien que la Chine ou l’Inde sont quasiment arrivés  au niveau technique des pays riches dans les secteurs de pointe, quand on sait que la Chine va assembler des Airbus et qu’elle envoie elle-même des satellites, de même que l’Inde s’est lancé dans la Recherche et Développement en informatique, dans la création de produits financiers complexes et même les services juridiques …

 

En réalité, comme le dit Jean ARTHUIS (lire notre note du 15 septembre 2008), « plus aucune activité productive n’est protégée ».

En 2010, la Chine sortira plus de docteurs en sciences que les Etats-Unis. Fort de ce constat, Roger GUESNERIE, professeur d’économie au Collège de France, propose de dépasser le paradigme de l’échange entre nations mutuellement avantageux pour viser un « mieux de commerce », c'est-à-dire une recherche de concessions mutuellement avantageuses.

A suivre …

Alexandre Anizy

L'ostracisme ordinaire d'un Pierre MOSCOVICI

Publié le par Alexandre Anizy

Lundi 15 septembre, on voit un article (portrait) sur l’énarque fils de bourge Pierre MOSCOVICI dans Libération (dernière page). Que dit-il à propos du Président ubiquiste SARKOZY DE NAGY BOCSA ?

« C’est la force de Nicolas Sarkozy : il parle mal français, mais il parle aux Français. »

 

Nous nous souvenons alors que dimanche dernier nous avons lu un entretien de Jamel DEBBOUZE, dans lequel il parlait d’une manière fugace du racisme ou de l’ostracisme ordinaire au royaume de France : tous ces petits riens (gestes, regards, attitudes, mots) qui dénotent une volonté de marquer la différence quand il ne devrait pas y en avoir. Jamel DEBOUZZE est Français, mais il sait par expérience que souvent être de nationalité française (avoir la carte nationale d’identité) ne suffit pas … 

Rappel : dans notre note du 28 novembre 2007, nous citions Robert CASTEL : « Quand on parle de jeunes de la 3ème génération, on en vient ainsi, comme le dit Etienne BALIBAR, à fabriquer une catégorie sociale juridiquement et humainement monstrueuse, qui est la condition héréditaire d’immigrant. Immigré une fois, immigré toujours, de génération en génération, quelle que soit la nationalité acquise. » [C’est nous qui surlignons] Et d’ajouter : « Cette coagulation de discrimination raciale et de dislocation sociale fait peser sur l’ensemble de la société une menace de sécession. »

 

Nous nous disons alors que ce « il parle mal français » de l’énarque fils de bourge Pierre MOSCOVICI, en parlant du fils d’un émigré hongrois, avocat de formation, devenu Président de la République Française, est un signe (un de ces petits riens) de l’ostracisme ordinaire, parce que nous sommes convaincu que Pierre MOSCOVICI n’a jamais parlé publiquement de la sorte d’un membre de la famille PEUGEOT (par exemple).

En lisant l’article, nous apprenons que  l’énarque fils de bourge Pierre MOSCOVICI a été battu aux élections de 2002 dans le Doubs (une circonscription où son électorat est composé de 45 % d’ouvriers) après avoir traité ses électeurs de cons.

Même s’il a été réélu en 2007, il semble que monsieur Pierre MOSCOVICI a encore du travail à faire sur lui-même, pour reprendre son expression.

 

Pour conclure cette note sur l’ostracisme ordinaire au royaume de France, nous citons Fadela AMARA : « Au-delà du fond, Bernard TAPIE est jugé parce qu’il appartient à la classe populaire. Attention à cette noblesse d’Etat qui voudrait qu’on revienne à une sorte d’aristocratie d’Etat qui dirigerait notre pays et les gueux resteraient à leur place. » (Libération, même jour)

 

Alexandre Anizy

Jean ARTHUIS un honnête homme politique compétent

Publié le par Alexandre Anizy

Le cas mérite d’être cité, du fait de sa rareté.

Jean ARTHUIS est Président (UC-UDF) de la Commission des Finances du Sénat, ancien ministre de l’économie. Il est aussi l’auteur de 2 rapports sur les délocalisations. Il connaît donc son sujet.

 

Quand Renault supprime 4.000 emplois, quand EADS et Airbus délocalisent, Jean ARTHUIS y voit la confirmation de son analyse de 1993 (résumé : nos lois et nos prélèvements obligatoires sont des poids qui réduisent la compétitivité des industriels ; il est très « théorie dominante », vous l’avez compris).

Quand Renault se lance dans le « coût bas » (traduisons pour les managers français : low cost) avec la Logan, il va en Roumanie en prétextant que cette voiture est conçue pour les pays émergents … et puis 2 ans plus tard, la Logan est commercialisée en France.

Rappel des chiffres :

En 2001, 3,3 millions de voitures produites en France ;

Au jour d’aujourd’hui, 2,2 millions.

Pour demain, Jean ARTHUIS est clair : « Dans quelques années, la production française sera réduite à la portion congrue car tous les investissements de volume sont réalisés hors de France. »

Et d’ajouter pour le devenir d’AIRBUS : « Je suis prêt à parier que l’on nous refera avec les AIRBUS assemblés en Chine le coup de la Logan. »

Soulignons l’honnêteté intellectuelle du bonhomme.

Oui, diront les chiens de garde de l’oligarchie, mais la France conserve la Recherche et le Développement, le marketing, l’informatique, les Services … l’économie de la Connaissance, en un mot pompeux. Que nenni ! Cela aussi fout déjà le camp.

« Et c’est une bévue de penser que la recherche pourra se développer à distance de la production », renchérit Jean ARTHUIS.

Soulignons la compétence du bonhomme.

 

Constat de l’INSEE : entre 1990 et 2007, l’industrie française a perdu environ 1 million d’emplois, soit 20 % de ses effectifs. Cette désindustrialisation s’accélère (à cause des licenciements pour délocalisations, du travail au noir, de la non-implantation des nouvelles activités – comme le cas Logan).

 

Si le diagnostic de Jean ARTHUIS est correct, il reste prisonnier de la théorie dominante qui préconise et applique depuis 22 ans la même politique économique (résumé : cessons de taxer la production et de subventionner les entreprises ; accélérons les réformes, i.e. les régressions).

Jean ARTHUIS est un honnête homme politique compétent : beaucoup trop pour vraiment réussir parmi les siens.

 

Alexandre Anizy